Maruan el-Krekshi, le pacificateur

Finlando-Libyen, Maruan el-Krekshi, ce jeune citoyen du monde se voue à la résolution des conflits au sein de la Crisis Management Initiative.

SPEC FOR JEUNE AFRIQUE : Maruan El Krekshi in Helsinki on June 14, 2012. Finlando-Libyen, Maruan el-Krekshi, ce jeune citoyen du monde se voue à la résolution des conflits au sein de la Crisis Management Initiative. © Roni Rekomaa/Lehtikuva pour J.A.

SPEC FOR JEUNE AFRIQUE : Maruan El Krekshi in Helsinki on June 14, 2012. Finlando-Libyen, Maruan el-Krekshi, ce jeune citoyen du monde se voue à la résolution des conflits au sein de la Crisis Management Initiative. © Roni Rekomaa/Lehtikuva pour J.A.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 6 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

La Finlande, la Libye, le Maroc, le Yémen : d’une certaine manière, Maruan el-Krekshi représente ces quatre pays. À l’aise en arabe comme en français, en anglais et en finnois, le responsable de projets pour l’Afrique du Nord de la Crisis Management Initiative (CMI) est plus que tout autre un « citoyen du monde ». Né à Tajoura (Libye) en mars 1978, il est le fils d’un Libyen ayant rencontré et épousé une Finlandaise en France. Il a vécu au Maroc, puis à Helsinki, avant de rencontrer sa propre femme au Yémen. Tandis que la langue commune de ses parents était le français, son couple communique en anglais et en arabe… Qui dit mieux ?

Les sept premières années de sa vie, il les a passées en Libye. Il en parle en oscillant entre émotion et recul analytique : « Dans les années 1980, le pays était très fermé, les magasins étaient vides, les gens faisaient la queue. Mon père voyageait et ramenait beaucoup de choses : du savon, du dentifrice… L’eau du robinet était salée… Je me souviens des chants révolutionnaires antiaméricains et antisionistes que nous entonnions… On m’embêtait un peu parce que ma mère était finlandaise. On disait qu’elle était non croyante… Je me souviens aussi des séjours à la plage… Je ne suis pas traumatisé. » Issu d’un milieu privilégié – son père travaille d’abord dans la banque, puis pour la Libyan Arab Foreign Investment Company -, il a un peu de mal à s’adapter quand, en 1986, la famille s’installe au Maroc, mais un prof de français à domicile l’aide à boucler « deux années en une » avec « les gosses de l’élite ». Plus tard, dans un lycée public de Casablanca, il découvrira « un autre Maroc ».

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Citoyen du monde

« On n’a coupé le contact ni avec la Libye ni avec la Finlande, où nous nous rendions chaque été, dit-il. D’ailleurs, à l’époque, c’était assez bizarre, car il n’y avait pas beaucoup d’étrangers dans les rues d’Helsinki. Maintenant, c’est plus commun. » En 1996, ses parents rentrent en Libye, où son père deviendra responsable de la coopération économique au sein du ministère des Affaires étrangères et où sa mère trouvera un poste dans une entreprise pétrolière norvégienne. Lui passe les très sélectifs examens de l’université de Helsinki et effectue son service militaire sur l’une des nombreuses îles qui parsèment la mer Baltique, aux abords de la capitale. « C’était intéressant car, dans l’armée, tu vois toutes les couches sociales du pays », affirme-t-il. Ensuite, tout en se passionnant pour la politique finlandaise – son grand-père maternel est membre du Parti social-démocrate -, il suit le cursus des « development studies », effectuant des stages au sein du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). « Ce choix était assez naturel puisque je viens d’un pays en voie de développement, explique-t-il. Je m’intéresse surtout à la relation Sud-Nord et aux problèmes structurels qui existent entre les deux. Je n’ai pas de problème à naviguer d’un bord à l’autre. » Passionné de nature, adepte du cyclisme et de la randonnée, il passe ses vacances… en Libye. Une fois les études terminées, en 2006, il continue sur sa lancée : Programme alimentaire mondial à Rome, Pnud au Yémen sur un programme du ministère finlandais des Affaires étrangères. C’est là que l’amour s’invite : « J’ai rencontré ma femme au bureau. Dès le début, j’ai pensé qu’elle pourrait être ma compagne. Nous nous sommes mariés en 2009. » Si elle a fait ses études au Liban et aux États-Unis, elle vient d’une famille traditionnellement engagée, se référant à la jurisprudence islamique dans le pays. Lui se dit musulman : « Je fais le ramadan, j’essaie de vivre en accord avec les principes généraux de la religion. »

La libye de l’après-Kadhafi

Des principes de paix, notamment, qui correspondent à ceux défendus par la CMI, créée en 2000 par l’ancien président finlandais et Prix Nobel de la Paix Martti Ahtisaari. « Résoudre les conflits et construire une paix durable à travers le monde » : voilà à quoi il s’emploie aujourd’hui depuis Helsinki. Chargé de la Tunisie et du Maroc, il suit de près ce qui se passe en Libye depuis la chute de Kadhafi.

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« Pendant les révolutions arabes, on était collés à la télé. Mon père était à New York et il a fait défection avec tout un groupe d’officiels. On n’avait plus aucune nouvelle de ma mère. Elle a finalement réussi à prendre le dernier vol. Nous avions peur des représailles, mais rien n’est arrivé. » Point d’épanchement : c’est en analyste que le jeune papa décrypte le déroulé des événements : « Quand Ben Ali est parti, j’ai supposé qu’il y aurait une contagion, sans imaginer que la Libye serait touchée aussi vite. Mais passé un certain nombre de personnes tuées, la population va jusqu’au bout. » Soutenant que « la clé est la gestion de la manne pétrolière de façon équitable et transparente », il se veut optimiste. Et compte s’impliquer, quand son épouse aura terminé ses études en Finlande : « Je pourrais être utile en matière de réconciliation après ce qui a été une vraie guerre civile. Je serais bien placé pour m’en occuper : je ne fais pas partie d’une tribu, je suis plus neutre. »

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