Chine : émeutes à « Chocolate City »

Dans un quartier de Canton, en Chine, où vivent près de deux cent mille Africains, la mort d’un Nigérian dans un commissariat de police a mis le feu aux poudres. Explications.

En 2009 déjà, de graves émeutes avaient explosé après la mort du Nigérian Emmanuel Okoro. © thestar.com

En 2009 déjà, de graves émeutes avaient explosé après la mort du Nigérian Emmanuel Okoro. © thestar.com

Publié le 5 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Le quartier ne fait pas plus d’une dizaine de kilomètres carrés. À deux heures de train de Hong Kong, dans le sud de la Chine, « Chocolate City » est sous tension depuis la mort d’un ressortissant nigérian. Pris à partie par la foule après une altercation avec un chauffeur de moto-taxi, celui-ci avait été blessé dans la bagarre, puis embarqué sans ménagement par la police. Il est mort quelques heures plus tard dans une cellule du commissariat.

Spontanément descendus dans la rue dès l’annonce du décès, des centaines de Nigérians se sont heurtés à trois cents policiers. Des images de manifestants en colère ont été diffusées sur internet, attisant le ressentiment de nombreux Chinois qui supportent mal cette mixité et voient dans la présence des étrangers un facteur de troubles.

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Émeutes en 2009 dans le quartier de Kuangquan

© thestar.com

Tensions entre chinois et africains

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Ce n’est pas la première bagarre qui tourne mal dans cette enclave africaine du sud de la Chine. L’an dernier, déjà, un contrôle d’identité avait dégénéré. Et en 2009, des centaines d’Africains avaient attaqué le commissariat de Kuangquan après la mort de l’un des leurs, qui avait sauté par la fenêtre pour échapper à une descente de police.

Dans cet Africatown, on parle aussi bien le wolof ou le lingala que le mandarin ou le cantonais. Selon les chiffres publiés par le département de sociologie de l’université locale, 33 % des Africains de Canton sont nigérians, 10 % maliens, 8 % ghanéens et 6 % guinéens. Mais il y a aussi pas mal de Congolais, Sénégalais, Ivoiriens, Nigériens, Tanzaniens, Gambiens et Camerounais.

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« J’estime qu’il y a bien ici deux cent mille Africains, soit dix fois plus que les chiffres officiels, estime l’universitaire Liu Kuang. Beaucoup n’ont pas de papiers en règle ou ne passent que quelques mois dans la province. Cela représente quelque 2 % de la population cantonaise. À titre de comparaison, les Japonais, qui, géographiquement et culturellement, nous sont beaucoup plus proches, ne sont pas plus de six mille. Forcément, cela crée des tensions, car les Chinois vivent très mal cette cohabitation. Les mariages mixtes sont d’ailleurs plutôt rares. »

Émeutes en 2009 dans le quartier de Kuangquan

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L’eldorado chinois

Ni vraiment chinoise ni vraiment africaine, cette enclave qui s’étend entre les avenues Xiaobei Lu et Guangyuan Xi Lu est organisée en communautés. Francophones ou anglophones, Nigérians ou Sénégalais, chacun vit de son côté. Chaque communauté désigne l’un de ses membres pour la représenter auprès des autorités. Périodiquement, des contrôles ont lieu. Ceux qui n’ont pas de passeport en règle sont impitoyablement sanctionnés par une peine de prison suivie d’une expulsion.

Combien ont été dans ce cas cette année ? Difficile à dire avec précision. « Plusieurs centaines », estime un diplomate, qui rappelle que le nombre des « touristes » africains en Chine a été multiplié par cinq depuis 2000. C’est évidemment une conséquence imprévue de l’émergence de la « Chinafrique » (les échanges commerciaux entre les deux parties ont crû de 700 % en dix ans). Pour les Africains candidats à l’exil, Canton est l’une des portes d’entrée vers l’eldorado chinois.

« Chocolate City » n’est d’ailleurs pas le seul quartier africain de Chine. Il y en a aussi à Yiwu (au sud de Shanghai) et à Pékin. Ces corps étrangers sont de plus en plus mal acceptés. Et les Africains sont les premières victimes de la vague de xénophobie qui balaie le pays.

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