France : elles débarquent à l’Assemblée nationale !
Cent cinquante-cinq femmes siègent dans la nouvelle Assemblée nationale française. Beaucoup plus que dans la précédente, mais pas assez pour assurer la parité. Eh oui, certains partis font de la résistance. Lesquels ? Suivez mon regard…
Elles étaient, paraît-il, des « machines à perdre ». C’est en tout cas ce que prétendaient les partis français les plus réticents à présenter des femmes aux élections. Après les dernières législatives (3-17 juin), l’argument tient de moins en moins. Les femmes sont 155 dans la nouvelle Assemblée, contre 107 dans la précédente, preuve qu’elles font aussi bien que les hommes dès lors qu’on leur en donne les moyens.
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Le progrès est sensible, mais reste relatif : les femmes ne représentent que 26,9 % de l’ensemble des députés, contre 44,7 % en Suède ou 42,5 % en Finlande. De ce point de vue, la France se classe au 8e rang européen et au 34e rang mondial. « Ne boudons pas notre plaisir, tempère Geneviève Couraud, de l’Observatoire de la parité. En 1958, au début de la Ve République, elles n’étaient que neuf. La nouvelle majorité a annoncé son intention de faire respecter la loi sur la parité, et une modification du mode de scrutin n’est pas exclue. Comme l’on sait, le scrutin uninominal en vigueur est très défavorable aux femmes. » L’important est, selon elle, ce que les femmes vont faire au Palais-Bourbon. « Il faut, dit-elle, qu’on les sente déterminées à faire bouger les lignes et à impulser le changement. » Souvent diplômées de l’enseignement supérieur, parfois militantes associatives, les nouvelles députées travaillent pour la plupart dans les instances dirigeantes du Parti socialiste (PS).
Cadre en communication, adjointe au maire de Paris et députée de la 8e circonscription de Paris, Sandrine Mazetier, 45 ans, affiche une détermination à toute épreuve. Et il lui en a fallu pour l’emporter sur les 22 adversaires – record de France ! – qui lui étaient opposés au premier tour des législatives. L’un de ses dossiers prioritaires sera l’immigration. Elle prêche pour l’apaisement, veut mettre un terme aux discours de division et à la stigmatisation des immigrés. Rapporteur dans la précédente législature d’une proposition de loi sur le droit de vote des étrangers, elle entend bien revenir à la charge. Inscrite au PS à l’âge de 22 ans, députée à 40, cette proche de Martine Aubry est parfois accusée de manquer de charisme. Elle a pourtant contribué à faire basculer Paris à gauche.
Mazetier aura à ses côtés Seybah Dagoma, 34 ans, une avocate d’origine tchadienne triomphalement élue députée de Paris avec plus de 70 % des voix. Au-delà de la question de l’immigration, les deux femmes entendent se battre « pour toutes les justices » : fiscale, salariale (l’égalité hommes-femmes), sociale… Même si elles ne sont pas obsédées par le féminisme, elles auront inévitablement à prendre position sur des questions comme les violences faites aux femmes, la prostitution ou le harcèlement sexuel. Ça tombe bien, il en sera justement question à l’Assemblée dès le 20 juillet.
106 socialistes
Les députées socialistes sont, de très loin, les plus nombreuses : 106. Selon l’Observatoire de la parité, leur parti a présenté 45 % de candidates. Chez Europe Écologie Les Verts, où la parité est la règle, 9 des 17 élus sont des femmes (53 %).
Députée de la Somme, Barbara Pompili, 37 ans, a tout de suite sauté dans le grand bain. Ce n’était pas prévu, mais ses collègues lui ont fait une proposition qui ne se refuse pas : coprésider le groupe écologiste. Son parcours n’a rien eu d’une promenade de santé. Installée à Amiens depuis son échec aux législatives de 2007 dans le 15e arrondissement de Paris, elle faisait figure de « parachutée ». N’avait-elle pas été investie au détriment de Nicolas Dumont, le maire d’Abbeville, qui disposait de nombreux soutiens locaux ?
Féministe affichée, Pompili ne doute pas que les femmes se retrouveront sur certains thèmes comme l’égalité sociale, mais elle n’est pas favorable à une « sexualisation » de la politique. « Les femmes, dit-elle, n’ont pas vocation à monter les premières au front contre le harcèlement sexuel ou les violences faites aux femmes. C’est un combat qui concerne tous les députés. »
Comment compte-t-elle réagir au machisme dont l’illustre assemblée n’est pas exempte ? « Il faut se préparer à l’affronter, dit-elle, ne pas se laisser déconcerter par les propos paternalistes, montrer clairement qu’on ne se laissera pas faire. Il n’est pas question d’accepter que le changement de coiffure de telle ou telle de nos collègues devienne un sujet de conversation majeur. » Elle affirme avoir été choquée par l’article d’un magazine désignant les députées les plus glamour. « Nous sommes là pour faire de la politique, je veux être jugée sur mes actes. »
Une position partagée par Virginie Duby-Muller (32 ans), députée de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) de Haute-Savoie, qui confie ressentir une certaine forme de solidarité envers ses collègues féminines, toutes obédiences politiques confondues, mais observe sans plaisir l’écrasante supériorité numérique des députées socialistes. Il est vrai que l’ancien parti majoritaire a délibérément choisi de ne présenter que 25 % de candidates. « C’est sûr que l’UMP a encore beaucoup d’efforts à faire », admet-elle.
20 millions d’amendes pour l’UMP
Ancienne ministre de la Justice, Rachida Dati a été empêchée de se présenter aux législatives dans le 7e arrondissement de Paris par François Fillon, l’ancien Premier ministre, qui a préféré abandonner ses terres sarthoises, où sa réélection était loin d’être assurée, au profit de cette circonscription imperdable par la droite. Furieuse, Dati suggère de couper toute subvention publique aux partis qui, à l’avenir, ne joueraient pas le jeu de la parité. Dans ce registre, l’UMP est indiscutablement un très mauvais élève. Au cours des cinq dernières années, elle a préféré payer 20 millions d’euros d’amendes plutôt que de permettre aux femmes d’être justement représentées.
Diplômée de Sciences-Po et conseillère municipale de Scionzier, Virginie Duby-Muller doit sa présence au Parlement à Claude Birraux, son prédécesseur, dont elle fut l’attachée parlementaire de longues années durant. Comme la plupart de ses collègues, elle ne se sent pas de responsabilité particulière envers les femmes en général, mais ne se privera pas, à l’occasion, de faire avancer leur cause. Mère d’un petit garçon et militante depuis l’âge de 18 ans, elle ne veut surtout pas apparaître comme « un alibi ». Elle examinera les textes de loi en fonction de leur cohérence et de leur contenu. Point final.
Même ambition, sans doute, pour la benjamine de l’Assemblée, la frontiste Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans, étudiante en master et petite-fille de qui vous savez. Machistes, les électeurs du Front national ? Dans leurs discours, sûrement, dans leurs votes, un peu moins. Dans les rangs des députés « marinistes », la parité la plus absolue prévaut : 50-50. Il est vrai que cette proportion n’a guère de sens, puisqu’ils ne sont que deux ! Bien sûr, Marion apparaît comme la marionnette de Jean-Marie, son grand-père, mais elle promet de faire entendre sa voix. Enfin, autant que possible. Elle poursuit en effet des études de droit (elle rêve de devenir avocate) et ne sera pas souvent présente dans l’Hémicycle.
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