Gros plan sur l’Homme du cinéma rwandais
Réalisateur et producteur prolifique, Eric Kabera est à l’origine d’un festival et d’un institut de formation dévolus au septième art. Son nouveau défi : ouvrir la première salle de cinéma de la capitale.
Rwanda : l’âge de raison
Le premier, un long-métrage sur le génocide rwandais, a été sélectionné au Festival international du film de Toronto, en 2001. Le second, un petit film de trois minutes, s’échange sous le manteau à Kigali. Pourtant, 100 Days et K-Guy ont deux points communs. L’un, évident, est le Rwanda, théâtre des deux films (le premier a été tourné sur les véritables lieux du drame). L’autre se cache dans la liste des crédits qui défilent en caractères blancs dans le générique de fin. Il s’agit d’Eric Kabera, le producteur des deux oeuvres.
Le septième art au pays des Mille Collines
Cet homme de 42 ans au regard malicieux et aux phrases qui pourraient être entendues dans les cercles européens du cinéma d’art et essai (il est proche du réalisateur allemand Volker Schloendorff, qui l’aide dans ses projets) est une figure incontournable à Kigali. Réalisateur, producteur, scénariste, et même parfois acteur… Alors que rien ne le destinait au cinéma (il a grandi à Goma, en RDC, et est tombé dans l’audiovisuel en devenant l’assistant d’un journaliste reporter d’images de la BBC au Rwanda, après 1994), il a connu tous les postes et certains honneurs : il a été invité au Festival du film de Tribeca (New York), au Japon, au Canada…
Son combat, désormais : développer le septième art au pays des Mille Collines. Le défi est de taille dans un pays où les fonds publics sont rationalisés et alloués prioritairement aux projets de développement économiques plus que culturels. Le Rwanda Cinema Centre, qu’il a fondé, est donc financé par plusieurs ambassades et organes de coopération, de même que le Rwanda Film Festival (aussi connu sous le nom de Hillywood), organisé chaque année depuis huit ans. À partir du 14 juillet, son convoi équipé d’un grand écran gonflable sillonnera les campagnes pendant une semaine pour proposer une sélection de films exigeants. Il posera ensuite ses bagages du 21 au 27 juillet à Kigali, pour les dernières projections sur le même écran gonflable.
La capitale rwandaise ne dispose pas, pour l’instant, d’une salle de cinéma permanente. Mais cela ne devrait pas tarder : la construction d’une petite salle d’art et d’essai est en projet dans le quartier de Gacuriro. Son promoteur ? Eric Kabera bien sûr ! La première pierre n’est pas encore posée, mais le complexe dans lequel il devrait s’intégrer est déjà sorti de terre. Le Kwetu Film Institute, c’est son nom, comporte dans les étages un hôtel sur le thème du grand écran ; mais il abrite surtout, au rez-de-chaussée, la première école de cinéma du pays, avec salles de montage et de projection. Prise de vue, réalisation, production… La formation dispensée y est, pour l’instant, assez succincte : trois mois et quelque 500 dollars (environ 400 euros), hors frais d’inscription, pour appréhender les techniques du cinéma. Mais dès 2013, Eric Kabera prévoit de lancer une formation académique de deux ans pour mieux instruire les cinéastes rwandais de demain.
Faire "la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas"
Car l’industrie cinématographique rwandaise naissante (lire ci-dessous) a trop de faiblesses à son goût. « Il y a des choses intéressantes, mais j’ai beaucoup de réserves, explique-t-il. Le public est tellement exposé à ce qui se fait ailleurs qu’il fait de plus en plus la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Et dans les films locaux, on constate trop souvent qu’il manque les bases de la formation au cinéma. » « Eric Kabera a tendance à tout ramener à lui, tranche une habituée des tournages au Rwanda. Mais il y a beaucoup de jeunes talents dans ces films à petit budget. Il faut les encourager. »
Le cinéaste-producteur, lui, préfère ouvrir une autre voie avec des desseins plus ambitieux. Before and After, son nouveau projet, devrait être un film d’action sur la guerre de libération menée par le Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir). Le producteur américain Adam Leipzig, qui a notamment travaillé sur le célèbre Cercle des poètes disparus, de Peter Weir, devrait faire partie de l’équipe. Du jamais vu pour un film rwandais.
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