Rwanda : agriculture, la main (verte) de Pékin
Pour optimiser la productivité, l’accent est mis sur la recherche et la formation. Reportage à Rubona (Sud), où un centre sino-rwandais de démonstration des techniques agricoles vient d’être inauguré.
Rwanda : l’âge de raison
Dans l’avion qui l’a fait venir de Chine, il n’était pas le seul à s’expatrier en Afrique. Chefs de chantier, géologues, ingénieurs des mines ou du pétrole… À elle seule, la liste des passagers aurait pu témoigner de l’intérêt de Pékin pour les ressources du continent. Mais depuis son arrivée à Kigali, Lin Zhansen ne sonde pas les entrailles des collines à la recherche d’hydrocarbures – à l’exception du gaz piégé dans le lac Kivu, qui n’a pas retenu l’attention des Chinois, personne n’en a jamais découvert au Rwanda. Lui passe son temps à arpenter les rizières et autres plantations dans une petite vallée de la région de Huye (anciennement Butare, Sud). L’or dont il est venu faciliter l’extraction n’est donc pas noir, mais vert. Le secteur n’en est pas moins stratégique : plus de 75 % des Rwandais dépendent de l’agriculture, qui représente plus de 60 % des exportations du pays.
Pékin a mis le prix pour lui permettre de remplir cette mission : son salaire et ceux de onze de ses collaborateurs sont payés par le gouvernement chinois pendant trois ans. Il s’agit de gérer le Centre sino-rwandais de démonstration des techniques agricoles de Rubona, officiellement inauguré par le Premier ministre, Pierre-Damien Habumuremyi, le 24 avril. Le coût de ce centre, près de 5 millions d’euros, a lui aussi été financé par la Chine. L’objectif est double : améliorer les techniques agricoles par de la recherche sur le terrain et les enseigner aux agriculteurs locaux.
Pour remplir leur première mission, les agronomes chinois n’ont pas perdu de temps : les roseaux, plantés pour abriter du soleil les cultures de champignons, dépassent déjà les 4 m de haut, et les plants de riz (de variété chinoise) irrigués sont à maturité. Des dizaines de variétés doivent encore être testées pour déterminer celle qui donnera les meilleurs rendements au pied des collines. « Je suis très content d’eux, assure Louis Butare, directeur régional de l’Office rwandais de l’agriculture (Rwanda Agriculture Board). Avant même la fin de la construction du centre, ils s’étaient déjà mis au travail pour que tout soit en place. »
Peinture fraîche
La transmission des connaissances, elle, est moins efficace. Le centre, désespérément vide en cette matinée de mai, sent la peinture fraîche comme au premier jour. Si les outils utilisés pour la récolte du riz n’étaient pas maculés de terre (ils sont prêtés aux paysans du voisinage), on pourrait même douter de l’utilité du lieu. Un peu plus d’un an après son ouverture officieuse, en avril 2011, quelque 400 Rwandais sont venus apprendre à faire pousser des champignons, construire des terrasses qui retiennent sols et eau (un problème majeur sur les collines)… On est encore loin de l’objectif de 600 techniciens et 3 000 agriculteurs formés en trois ans.
Très à cheval sur la maîtrise de son budget, Kigali accorde un soutien souvent parcimonieux aux projets de développement qu’il ne maîtrise pas pleinement. Ainsi, les logements que le Rwanda devait construire pour héberger les agriculteurs le temps des formations (de trois à cinq jours pour les plus courtes) ne sont pas encore sortis de terre. « Je n’ai le budget que pour faire venir entre 200 et 300 personnes tous les six mois, indique Louis Butare. Mais je peux payer le transport aux experts chinois pour qu’ils aillent enseigner leurs techniques dans les villages », ajoute-t-il, évoquant la méthode habituellement employée par le ministère de l’Agriculture. Le centre de démonstration sino-rwandais de Rubona, lui, pourrait bien sentir la peinture encore longtemps.
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