RDC – Affaire Chebeya : John Numbi, le général fantôme

Le procès en appel de l’affaire Chebeya a commencé le 19 juin, à Kinshasa. La famille du militant des droits de l’homme tué en 2010 veut que l’ancien chef de la police congolaise soit jugé.

L’ex-inspecteur général John Numbi avait été entendu comme simple témoin en 2011. © AFP

L’ex-inspecteur général John Numbi avait été entendu comme simple témoin en 2011. © AFP

Publié le 28 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

Au cours du premier procès, l’année dernière, pour le meurtre de Floribert Chebeya, le président de l’ONG La Voix des sans-voix, le général John Numbi avait été entendu comme simple témoin par le tribunal militaire à Kinshasa. « La justice n’a pas été rendue », dénonçait alors la veuve du militant des droits de l’homme, Annie Chebeya, qui demandait que l’ex-inspecteur général de la police soit jugé et condamné. Selon les éléments de l’instruction, le 1er juin 2010, Floribert avait rendez-vous avec Numbi, dans ses bureaux, peu avant sa mort. À l’issue d’un procès-fleuve, cinq policiers ont été condamnés. Ils ont fait appel, se déclarant innocents. Les parties civiles également, réclamant la comparution du haut gradé.

Un an plus tard, le 19 juin, tous les projecteurs étaient donc braqués sur la Haute Cour militaire de Kinshasa. John Numbi était attendu, il n’est pas venu. « Il n’a rien à voir avec cette histoire », ont fait valoir les avocats de l’État congolais. « Il fallait malheureusement s’y attendre », commente un observateur averti. « Avec cette affaire, Numbi a été marginalisé, puis suspendu de ses fonctions. Mais depuis son fief du Nord-Katanga où il s’est retiré, il peut fragiliser le régime », ajoute un spécialiste des questions de sécurité en RDC. Pourquoi cette nuisance à distance ?

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"Sécurocrate"

À partir des années 2000, Numbi – qui a rencontré une première fois les Kabila, père et fils, en 1989 dans les maquis de Pweto, près de la frontière zambienne – n’a cessé de gravir les échelons de la hiérarchie militaire : commandant de la région du Katanga, chef d’état-major de l’armée de l’air et inspecteur général de la police. C’était du temps de sa splendeur. L’homme du sérail – qui comptait parmi ses amis Augustin Katumba Mwanke, le conseiller le plus influent du Palais, décédé dans un accident d’avion en février dernier – était devenu le « sécurocrate katangais » le plus en vue. Il avait un accès direct au chef de l’État.

Le Mzee a fait de cet électronicien né en 1962 un militaire de carrière. Et Joseph Kabila l’a installé dans le premier cercle.

Lors des échanges de tirs entre la garde présidentielle et les hommes de Jean-Pierre Bemba après l’élection présidentielle de 2006, Numbi est à la manoeuvre. Les premières négociations secrètes, l’année suivante, avec le chef rebelle Laurent Nkunda – qui ont abouti à l’intégration des hommes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein de l’armée régulière en 2009 -, c’est encore lui. Le pilotage des opérations menées ensuite avec l’armée rwandaise, dans le Nord-Kivu, pour traquer les extrémistes hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), c’est toujours lui.

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Mais dans la foulée de l’affaire Chebeya, d’autres sombres aspects du personnage ressurgissent. En 1992, Numbi était l’un des fers de lance des sinistres milices katangaises de l’Union des fédéralistes et des républicains indépendants (Uferi) qui pourchassaient les Kasaïens. Autre dossier à charge, la terrible répression menée par des éléments de la police congolaise contre le mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo, entre février et mars 2008, dans le Bas-Congo. « Mon mari avait des dossiers précis sur ces exactions », assure Annie Chebeya. « Ils sont en lieu sûr », affirme un responsable de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui prévient : « Certains faits relèvent de la justice internationale. » Numbi n’en a sans doute pas fini avec les prétoires. À Kinshasa, le procès en appel doit reprendre le 17 juillet.

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