« Le Chic, le choc, l’échec », la nouvelle série gabonaise à succès
Depuis le 1er janvier, « Le Chic, le choc, l’échec », une série 100 % locale, est diffusée en prime time chaque dimanche sur la chaîne de télévision nationale, mais aussi sur YouTube. Elle dénonce les abus de pouvoir des hommes envers les femmes, le harcèlement sexuel en milieu scolaire comme professionnel ou encore la corruption.
« Pour rien au monde, je ne raterai un épisode ». Laetitia est lycéenne. Avec sa cousine, Anna, elles ont rendez-vous chaque dimanche soir. Non pas pour une sortie entre copines dans un bar ou un restaurant de la capitale. Mais « dans le salon, posées sur le canapé et scotchées à la télé », précise-t-elle dans un éclat de rire. « C’est le nouveau Marimar (célèbre télénovelas des années 1990, NDLR) au Gabon. Quand la série est diffusée, c’est tout le pays qui est à l’arrêt », s’amuse Martial, son père. Comme Laetitia et sa cousine, ils sont des dizaines de milliers chaque dimanche devant leur poste de télévision à suivre le programme-événement de ce début d’année.
« Le Chic, le choc, l’échec », c’est le nom de cette série diffusée depuis le 1er janvier chaque dimanche à 21 heures sur Gabon 1ère. Dix épisodes de 24 minutes entièrement tournés à Libreville. « On s’attendait à ce que ce soit une réussite. Mais de là à ce que ce soit un tel phénomène, c’est incroyable », exulte un responsable de Gabon 1ère, contemplant le dernier relevé d’audimat. Si la série est « un carton d’audience », pour reprendre ses termes, c’est parce qu’elle réunit un large public. « Elle est regardée aussi bien par les femmes que par les hommes. Par les adolescents comme par leurs parents », constate-t-il.
Mais c’est aussi, sans doute, parce qu’elle est – hélas – ancrée dans le réel. La série raconte l’histoire de Jessica, qui décroche un emploi en échange de faveurs sexuelles. Ou encore d’Edwige, qui cèdera aux avances d’un homme bien plus âgé pour obtenir un stage. Des situations encore loin d’être exceptionnelles au Gabon, où l’expression « le chic, le choc, le chèque » décrit la nature des relations que peut avoir à entretenir une femme avec plusieurs hommes aux profils différents.
Programme « Gabon Égalité »
Le « chic » représentant la vie mondaine et les avantages en nature assurés par l’un ; le « choc » est synonyme de « sexe », avec celui, du même âge généralement, qui procure du plaisir ; quant au chèque, il relève évidemment de l’aspect pécunier, le partenaire qui entretient financièrement sa compagne.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la série, tournée avec des comédiens débutants mais aussi quelques « stars » locales (Aisha Yamav aperçue dans Parents, mode d’emploi, Jean-Claude Mpaka qui a joué dans l’excellent Les Couilles de l’Éléphant, entre autres), écrite par John Franck Ondo et réalisée par le talentueux Jérémy Tchoua, est produite par l’État à travers son programme « Gabon Égalité ». Un programme qui vise à promouvoir l’égalité des genres, lutter contre les violences faites aux femmes et le harcèlement sexuel.
« La série télé est un moyen efficace de communiquer, de sensibiliser en particulier les jeunes, hommes ou femmes, qui sont les premiers concernés. Cette génération consomme davantage de vidéos que d’articles de journaux. Elle est aussi plus sur les réseaux sociaux que sur les médias classiques. C’est donc là où il faut aller les chercher », explique l’un de ses responsables.
Libérer la parole
Diffusé le dimanche sur Gabon 1ère, chaque épisode est disponible gratuitement dès le mercredi suivant sur la chaîne YouTube de Gabon Égalité. « C’est une manière de rendre disponibles les rediffusions. Mais c’est aussi, je dirais même surtout, un moyen de toucher toute une frange du public, les générations X, Y et Z pour qui la télévision ne fait pas forcément partie du quotidien », poursuit-il. Ce dont convient Jessye Ella Ekogha, le directeur de la communication du programme « Gabon égalité » qui a suivi le projet depuis sa genèse. « Pour être efficace sur le plan de la communication, il faut innover, et sortir des sentiers battus. »
Pour l’État gabonais, l’un des plus impliqués en Afrique dans la lutte contre les violences faites aux femmes, le coup semble réussi. « On le voit aux chiffres qui nous remontent sur les réseaux sociaux. Les audiences sont exponentielles. Mieux, chaque épisode sert de catalyseur au débat, parfois vif, sur les réseaux sociaux. La parole se libère. Les jeunes échangent leurs points de vue. Des tabous sont levés.
C’est exactement ce que l’on recherchait », se félicite Arsène, chargé de la communication digitale. Pour l’heure, trois épisodes de la série ont été diffusés. Il en reste encore sept d’ici au 5 mars prochain. Mais, compte tenu du phénomène ainsi engendré, nul doute qu’une saison deux devrait rapidement voir le jour.
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