Lieux d’aisance

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 28 juin 2012 Lecture : 2 minutes.

C’était en 1988. Je venais d’arriver en France. Un soir, je me retrouve dans le quartier des Halles, rue Pierre-Lescot. Soudain, j’ai une envie pressante. Je me dis que je ne peux pas me soulager n’importe où, question de dignité et de savoir-vivre. Je cherche et trouve une bouche d’égout, dans un coin sombre. Ma préoccupation : ne pas polluer gratuitement l’air ambiant. À l’époque, si mes souvenirs sont bons, on n’insistait pas encore sur la protection de l’environnement. J’étais donc déjà écologiste sans le savoir.

Alors que je remplis ce devoir tout à fait naturel dans la nuit parisienne, deux policiers surgissent. « Qu’est-ce que vous faites, monsieur ? » me demande l’un d’eux. Sans hésiter, je réponds : « Je pissais. » L’autre policier passe à l’offensive : « Vous croyez que c’est l’endroit approprié ? » En toute bonne foi, je rétorque : « J’ai choisi une bouche d’égout. Je n’ai donc pas souillé le sol. » Pas convaincu, l’agent de l’ordre me demande mes papiers. Je lui tends mon passeport. Il l’examine et me pose cette question inattendue : « Donc, au Zaïre, les journalistes pissent dans la rue ? » Silence gêné de ma part. Il enchaîne : « Veuillez nous suivre. » Je m’exécute et me retrouve dans un fourgon de police. Sur le procès-verbal qui est dressé, je lis cette phrase mémorable qui qualifie mon infraction : « Épanchement d’urine sur la voie publique » !

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Pas de papier hygiénique, pas de savon

Vous vous demandez sans doute pourquoi je reviens sur cette anecdote très ancienne. La raison est claire : je n’ai pas encore vu de vespasiennes dans toutes les villes du continent dont mes pieds ont foulé le sol. Ce que j’ai vu, ce sont des femmes et des hommes, toute pudeur bue, qui retroussent leurs pagnes ou descendent leurs pantalons pour se soulager en pleine rue. Pourtant, quand on parle d’infrastructures, la construction de latrines doit figurer parmi les priorités. On ne doit pas badiner avec l’hygiène publique.

Qu’en est-il de la propreté des toilettes dans les bâtiments officiels ? Comme moi, vous avez lu et relu cent fois un bout de papier affiché sur le mur où on vous demande de bien vouloir laisser les lieux dans l’état où vous les avez trouvés, c’est-à-dire propres. En réalité, cette propreté n’est que virtuelle. Je me souviens, comme si c’était hier, d’un séjour dans une capitale du continent. J’avais rendez-vous dans un ministère important. L’entretien terminé, un besoin pressant me tenaille dans le couloir. Je cherche vite une porte avec l’inscription WC. En vain. À l’instinct, j’ouvre une porte. Un cabinet est bien là, mais l’intérieur est noir charbon. Pas de papier hygiénique. Pas de savon. Je me sauve. Deuxième porte, même constat. Dans le couloir, un monsieur apparaît. Je lui pose mon problème. Il me conduit vers une jolie porte fermée à clé, ouvre une deuxième porte et me montre des toilettes acceptables. Mais la chasse d’eau ne fonctionne plus. Le robinet du lavabo est sec. Dire que c’est réservé aux cadres !

Un doute ? Vous n’avez qu’à inspecter les toilettes des bars, de certains hôtels, des stades, des sièges des parlements, des écoles, des universités – j’en passe – dans vos pays respectifs. Bien entendu, mes amis d’Afrique centrale me diront, dans leur sagesse infinie : « Les microbes ne tuent pas les nègres ! » De quoi meurent-ils donc ? « Ce sont les sorciers qui les mangent. » À vérifier

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