Presse camerounaise : « The Post » ou « Le Messager », les faits et l’opinion
Charly Ndi Chia et Frédéric Boungou ont deux visions bien différentes de leur métier de journaliste. L’un au « Post » et l’autre au « Messager ».
Il aurait pu être prêtre, il est devenu journaliste. « Dans les deux cas, il s’agit d’une vocation. » Originaire de l’ouest du Cameroun, Charly Ndi Chia a appris le métier au Nigeria, puis au Royaume-Uni, avant de rentrer au pays, dans sa ville de Buéa, où il est depuis quinze ans rédacteur en chef de la principale publication en langue anglaise, The Post. À 55 ans, avec une vingtaine de personnes sous son autorité, il sort deux éditions chaque semaine, distribuées à 3 000 exemplaires chacune – « jusqu’à 15 000 en cas de grosse information ». Beaucoup plus de faits que d’analyses ou d’opinions, « c’est ce que demande notre lectorat », contrairement à ceux des journaux de Douala et de Yaoundé. Aucune approche communautaire dans le travail de ce reporter, qui n’a rien d’un militant de la cause anglophone : « Nous ne sommes pas Radio Mille Collines », s’agace-t-il. Pour le titre, l’une des priorités est d’engranger des ressources publicitaires « sur un marché bien plus restreint que pour les francophones » et, pour ses journalistes, de presser les politiques « qui, lorsqu’ils ne veulent pas répondre, se retranchent derrière le français ».
Son confrère Frédéric Boungou, 40 ans, rédacteur en chef du Messager depuis 2009, a une vision tout aussi claire, quoique différente, de son métier : « Il s’agit d’observer la société pour mieux la décrire, mais également de donner son opinion pour faire bouger les décideurs. » Une double mission assurée chaque jour par la trentaine de journalistes travaillant pour le quotidien, qui tire à un peu plus de 8 000 exemplaires. Place aux commentaires, donc, afin de satisfaire un lectorat friand de débat politique. « Les anglophones sont meilleurs que nous pour relater les faits », reconnaît Boungou, expliquant qu’il n’y a rien de tel qu’un débat polémique « pour se démarquer d’une concurrence bien plus forte dans la presse francophone ». En anglais comme en français – et ce n’est pas spécifique au Cameroun -, il faut constamment se méfier des tentatives de manipulation. Or il n’est pas toujours facile de vérifier les informations dans « un Cameroun bien plus bilingue que ne le sont les Camerounais eux-mêmes » et d’interviewer des anglophones sans vraiment maîtriser la langue – « Les anglophones se débrouillent bien mieux en français que nous en anglais », reconnaît Boungou.
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