L’Europe touchée par la corruption !

Le Vieux Continent n’aime rien tant que donner des leçons de morale au monde entier. Dans vingt-cinq des pays qui le composent, l’ONG Transparency International est allée y regarder d’un peu plus près. Verdict ? Peut mieux faire.

Transparency International est la principale organisation d’information sur la corruption. © AFP

Transparency International est la principale organisation d’information sur la corruption. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 22 juin 2012 Lecture : 4 minutes.

L’Europe se croit protégée contre les méfaits de la corruption parce que ses institutions fonctionnent sur des bases légales, démocratiques et, en principe, transparentes. Voire ! lui répond l’organisation non gouvernementale Transparency International (TI), dont le secrétariat se trouve à Berlin. Durant toute l’année 2011, l’ONG a ausculté dans vingt-cinq pays européens* les institutions destinées à prévenir et à combattre la corruption. Or le rapport intitulé « Argent, politique, pouvoir : les risques de corruption en Europe », qu’elle a publié le 6 juin à Bruxelles, souligne bien des anomalies.

On s’en doutait un peu, puisque le Conseil de l’Europe avait déjà estimé à 120 milliards d’euros par an le coût de ces malhonnêtetés en tout genre, preuve de l’existence de failles dans les dispositifs mis en place. D’ailleurs, 74 % des Européens interrogés considèrent que la corruption constitue un grave problème dans leur pays (19 % au Danemark et 98 % en Grèce).

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Le Forum économique mondial, cité par TI, a classé chaque nation en fonction de son comportement éthique. Les Nordiques arrivent évidemment en tête, le Danemark étant le plus irréprochable. En Norvège et en Suède, secteurs public et privé travaillent la main dans la main avec la société civile pour combattre les pratiques délictueuses. Le Royaume-Uni (7e), l’Allemagne (8e) et la France (9e) figurent au milieu du peloton.

Rechute de l’Europe centrale

Les mauvais élèves se trouvent en Europe centrale et orientale, ainsi que sur le pourtour méditerranéen – sans surprise, la Grèce ferme la marche. L’Europe du Sud, indique le rapport, connaît des déficits graves dans sa comptabilité publique et sa politique de prévention. Les pays d’Europe centrale avaient en revanche fait de gros progrès en la matière, mais ils sont en train de rechuter.

TI va plus loin et pointe les faiblesses des garde-fous dont se glorifient les Européens. « Aucun pays ne sort totalement indemne de cette radioscopie de leur intégrité », souligne-t-il. Des scandales ont éclaté au Royaume-Uni concernant les dépenses anormales de certains parlementaires. Et en Norvège, à cause de fraudes en matière de pensions de retraite.

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Pis, ajoute Finn Heinrich, directeur de la recherche au sein de l’ONG, il y a coïncidence « entre les pays qui sont les plus exposés à la corruption et ceux qui rencontrent les plus graves difficultés avec leur dette publique ».

Financement des partis politiques

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Le financement des partis politiques – que la moitié des Européens interrogés jugent corrompus – n’est nullement, selon TI, sous contrôle. Seuls dix pays interdisent les contributions financières non déclarées aux différentes formations. La France et la Slovénie sont les seuls à ne pas rendre publiques les déclarations de patrimoine et d’intérêts des parlementaires, ce qui permet pourtant de détecter un éventuel enrichissement illicite.

Dix-neuf pays n’ont toujours pas réglementé les activités de lobbying, profession apparue d’abord dans les pays anglo-saxons pour tenter d’influencer le législateur dans un sens favorable aux intérêts privés qu’elle représente. Les registres répertoriant les agences de lobbying sont facultatifs, inexistants ou difficilement consultables. Rappelons qu’il en existe au moins trois mille à Bruxelles, qui s’efforcent de peser sur les décisions des institutions européennes.

Les dispositifs garantissant la transparence des comportements ne servent pas à grand-chose, dès lors que vingt pays limitent l’accès du public aux données indispensables pour vérifier, en cas de mouvement d’argent entre une entreprise et un homme politique, les montants, les noms et les dates.

Seuls la Norvège et le Royaume-Uni protègent efficacement ceux qui donnent l’alarme et informent les autorités de l’existence d’actes délictueux. Ils sont trop souvent considérés comme des traîtres et des délateurs par leur employeur ou leurs camarades de parti. Même au Danemark, il apparaît que 30 % des fonctionnaires ayant dénoncé le versement de pots-de-vin ou l’existence d’actes de corruption active ont eu des ennuis.

« L’Europe a besoin d’une culture politique de la transparence pour sortir de la crise économique dans laquelle elle se débat », commente Cobus de Swardt, directeur de TI. Le rapport avance donc une série de propositions que l’on peut regrouper en cinq chapitres.

1. Le financement des partis. Institution de règles contraignantes concernant la divulgation des dons et l’interdiction de toute forme d’échappatoire. Une certaine homogénéisation serait en outre souhaitable, puisque aujourd’hui la Belgique fait obligation de rendre publics les dons aux partis d’un montant supérieur à 125 euros par an, contre 10 000 euros en Allemagne et 50 000 euros en Italie.

2. La réglementation du lobbying. Établissement de registres publics obligatoires des organismes de lobbying, cette activité devant inclure les consultants en relations publiques, les lobbyistes d’entreprise, les membres des ONG et ceux des think-tanks.

3. Le code de conduite des parlementaires. Établissement dans chaque pays d’un code de bonne conduite qui permette aux élus d’éviter les conflits d’intérêts et de résoudre au mieux les dilemmes moraux. Rappelons que les marchés publics représentent au sein de l’Union européenne un montant annuel de 1 800 milliards d’euros.

4. L’accès à l’information. Suppression de toutes les barrières, y compris techniques, qui, dans vingt pays, font obstacle à la libre consultation des documents publics.

5. La protection de ceux qui dénoncent la corruption. Mise en place, partout, de législations assurant l’immunité aux fonctionnaires et aux salariés du privé qui informent les autorités de l’existence de comportements délictueux. 

* Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

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