France – Afrique : ce que prépare Hollande

À peine installé à l’Élysée, le président français a multiplié les contacts avec les chefs d’État africains, crise malienne oblige. Il en a profité pour imposer son style, réaliste et prudent.

Avec le Nigérien Mahamadou Issoufou, à Paris, le 11 juin. © AFP

Avec le Nigérien Mahamadou Issoufou, à Paris, le 11 juin. © AFP

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Publié le 26 juin 2012 Lecture : 6 minutes.

Quatre ou cinq entretiens au téléphone avec des chefs d’État, trois réceptions de travail à l’Élysée pour un roi et deux présidents, le tout en quarante jours : les premiers pas « africains » de François Hollande, placés sous les auspices d’une crise majeure – le Mali -, sont à l’image de sa démarche, rustique, pieds bien écartés, à grandes enjambées mais les pas comptés. Nicolas Sarkozy, en 2007, avait démarré plus rapidement son initiation au continent, où il s’était rendu en précampagne électorale, avant de se fourvoyer du côté de Dakar. Son successeur, lui, a déjà atteint son rythme de croisière : un mois et demi après son arrivée à l’Élysée, les lignes de ce que sera sa relation avec l’Afrique apparaissent. Et elles sont sans surprises : prudentes, réalistes, normales.

Cellule ou pas cellule ?

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En théorie, il n’y a pas plus de « cellule Afrique » de l’Élysée sous Hollande qu’il n’y en avait sous Sarkozy. Les deux préposés aux dossiers subsahariens, Hélène Le Gal et son adjoint Thomas Melonio, relèvent du conseiller Paul Jean-Ortiz, lequel dépend du secrétaire général Pierre-René Lemas. En réalité, on joue sur les mots. Hélène Le Gal occupe le grand bureau en rez-de-chaussée du 2, rue de l’Élysée, avec vue sur jardinet, qui fut celui de tous les « Messieurs Afrique » successifs depuis Guy Penne. Et son rayon d’action n’est en rien parasité par le jeu personnel du secrétaire général : Pierre-René Lemas n’est pas Claude Guéant, lequel recevait volontiers visiteurs du soir africains, porteurs de messages et autres intermédiaires. Qu’on se le dise, d’ailleurs : les réseaux ou néoréseaux trouveront porte close à l’Élysée. Pour le reste, Hélène Le Gal, diplomate de carrière très peu portée sur la connivence, nommée pour sa connaissance des dossiers africains et sa sensibilité de gauche même si elle n’avait jamais rencontré François Hollande avant son arrivée sous les lambris de l’Élysée, et Thomas Melonio, économiste proche de Pierre Moscovici, ancien de l’Agence française de développement, reçoivent beaucoup depuis le 1er juin. Une dizaine de rendez-vous par jour, conseillers de chefs d’État, émissaires, opposants, investisseurs, ambassadeurs : le tandem ne chôme pas. Tous deux assistent par ailleurs aux audiences et coups de fil « africains » de François Hollande, avec qui ils communiquent d’ordinaire par notes. Ils assistent mais, contrairement à certains de ses prédécesseurs qui le faisaient aisément, pas question pour Hélène Le Gal d’appeler ou de prendre elle-même au téléphone un chef d’État africain. Les présidents ne parlent qu’au président, c’est la consigne. Tout au moins pour l’instant.

Pas de tutoiement intempestif, de tapes dans le dos ou de visiteurs reçus en catimini, les échanges, même téléphoniques, donnent lieu à un communiqué officiel.

Méthode ou pas méthode ?

Un style, plutôt qu’une méthode. Avec Hollande, pas de tutoiement intempestif ni de tapes dans le dos, pas de visiteurs reçus en catimini dans le bureau du secrétaire général, ni d’appels téléphoniques entre chefs d’État copains pour humer l’air du temps. Depuis son entrée à l’Élysée, François Hollande s’est entretenu au téléphone avec Abdelaziz Bouteflika, Alassane Dramane Ouattara, Macky Sall, Mohamed Ould Abdelaziz : ces échanges ont tous été soigneusement préparés et ont donné lieu à un communiqué officiel. « On se parle si on a quelque chose d’important à se dire et ce quelque chose doit être notifié à l’avance », résume un proche. Même ligne de conduite pour les personnalités africaines reçues au Château (trois jusqu’ici, Mohammed VI, Boni Yayi, Mahamadou Issoufou) : si Hollande n’est pas avare du temps qu’il leur consacre, une heure en moyenne – alors qu’il arrivait à son prédécesseur d’expédier un homologue en dix minutes -, les dossiers priment sur le bavardage mondain. Cela risque d’ailleurs de poser problème à la fin de ce mois de juin, puisqu’une dizaine de chefs d’États francophones, de retour du sommet de Rio sur l’environnement, ont prévu de faire escale à Paris pour y être reçus par un homme que la plupart ne connaissent pas encore. Il va falloir gérer la bousculade. Qu’ils se rassurent pourtant : contrairement à ce que certains d’entre eux ont pu craindre, François Hollande n’a formulé aucune exclusive. « Il rencontrera tout le monde, sauf ceux qui sont poursuivis par la justice, en particulier la CPI [Cour pénale internationale, NDLR] », confie-t-on. Quant au premier voyage du président en Afrique subsaharienne, rien ne presse et rien n’est prévu pour l’instant.

Doctrine ou pas doctrine ?

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« Ni tabous ni donneurs de leçons », dit-on à l’Élysée. En d’autres termes : on ne s’interdira rien, mais on y mettra les formes. Trois principes en guise de feuille de route : bonne gouvernance et démocratie, pacte de croissance et de développement, attachement à la stabilité et à la sécurité du continent, mais sans ingérence. Le cadre est vaste, reste à le décliner au cas par cas, surtout le premier point. Il va de soi que ni François Hollande ni Laurent Fabius ne sauraient être en retrait par rapport aux dernières déclarations d’Alain Juppé, lequel s’était prononcé contre les modifications constitutionnelles destinées à pérenniser certains pouvoirs en place. Il va de soi aussi que rien ne sera entrepris pour entraver d’éventuelles enquêtes judiciaires en cours, notamment sur les fameux « biens mal acquis ». « Aucune immixtion de l’Élysée ou du ministère de la Justice dans ces dossiers n’est envisageable », assure un conseiller.

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Intervenir ou pas ?

Les six premières semaines « africaines » de François Hollande auront été celles d’une quasi-gestion de crise. La situation malienne a été au coeur de ses entretiens, tant à l’Élysée qu’au téléphone, avec les présidents Boni Yayi, Alassane Dramane Ouattara, Mohamed Ould Abdelaziz et Mahamadou Issoufou. Ce sujet a également été largement abordé par le chef de l’État avec Barack Obama, David Cameron et le Premier ministre canadien Stephen Harper, lors du sommet de l’Otan à Chicago. L’Élysée est catégorique : la France n’interviendra pas militairement et elle n’est pas médiatrice sur ce dossier, mais l’inquiétude est vive. L’évolution, sur le terrain, du rapport de force entre les groupes islamistes et les Touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) est suivie de très près, Paris estimant toujours qu’il est possible et même tactiquement recommandé de parler avec ces derniers pour dissocier leurs forces de celles d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’Ansar Eddine. Parallèlement, les efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de la présidence de l’Union africaine pour obtenir l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU à une opération militaire conjointe sont encouragés, voire suscités.

Autre sujet sensible – à un degré moindre évidemment – et symbolique : la présence ou l’absence de François Hollande au XIVe Sommet de la Francophonie qui se tiendra du 12 au 14 octobre à Kinshasa. Mi-juin, cette question était toujours en débat à l’Élysée, où l’on estime que les élections générales de novembre 2011 en RD Congo ne sont pas loin de mériter le qualificatif de « calamiteuses ». Entre l’idée de se rendre à Kinshasa au nom du rayonnement de la France, afin d’y prononcer un discours ferme sur la gouvernance, la démocratie et les droits de l’homme, et la tentation du boycott presque annoncé par celui qui était encore candidat à la présidence, François Hollande hésite encore. Décision vraisemblablement à la mi-juillet. « La Francophonie, cela dépasse la France et ne lui appartient pas. Que Hollande vienne ou non, dans le fond, cela n’a guère d’importance », confiait il y a peu un proche collaborateur du président Kabila. On n’est pas obligé de le croire… 

Fabius : priorité Sahel

La politique africaine, c’est dorénavant le Quai d’Orsay et l’Élysée. Laurent Fabius, d’ailleurs, multiplie les consultations. Priorité : le dénouement de la crise au Sahel. Le 15 juin, il devait recevoir le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra. La veille, il avait rencontré le président intérimaire, Dioncounda Traoré. Et le 11 juin, il a déjeuné avec Mahamadou Issoufou avant d’avoir un entretien avec son homologue du Burkina Faso, Djibrill Bassolé. Les contacts sont aussi réguliers sur le sujet avec le secrétaire général des Nations unies et ses partenaires américains. Le patron du Quai prévoit de se rendre prochainement dans la région. Depuis son entrée en fonction, il a également rencontré à Paris le président de l’Union africaine, Boni Yayi, et la ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Maite Nkoana-Mashabane. Très apprécié en Afrique du Sud pour avoir participé à l’imposition d’un régime de sanctions contre l’apartheid en 1985, Fabius souhaite renforcer la concertation entre Paris et Pretoria.

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