Littérature : Amin Maalouf est immortel
Élu il y a un an à l’Académie française, l’écrivain franco-libanais – et ancien rédacteur en chef à « Jeune Afrique » – Amin Maalouf a été reçu sous la Coupole le 14 juin.
« Après les roulements de tambours, les roulements de la langue ! » C’est avec humour qu’Amin Maalouf, très ému, a commencé son discours de réception à l’Académie française le 14 juin, sous la coupole du Quai Conti, devant ses nouveaux pairs – d’Erik Orsenna à Valéry Giscard d’Estaing en passant par Jean d’Ormesson – et un parterre d’invités de marque. Parmi lesquels on pouvait reconnaître, outre de nombreuses personnalités libanaises venues de leur pays, Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac et actuel Commissaire européen, Jean Daniel, le fondateur du Nouvel Observateur, Jean-David Levitte, l’ex-conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, ou Peter Sellars, le metteur en scène américain.
S’amusant de son accent, Maalouf a pris un malin plaisir à rappeler qu’il partage ce roulement de « r » avec d’illustres écrivains français – Ronsard, Rabelais, La Bruyère… – et qu’« il revient donc du Liban plus qu’il n’en vient ». Une façon de saluer la politique d’ouverture de l’Académie qui, depuis quelques années, accueille des auteurs d’origine étrangère : Hector Bianciotti – qui vient de mourir -, né en Argentine et élu en 1996, François Cheng, né en Chine et élu en 2002, Assia Djebbar, née en Algérie et élue en 2005. Mais aussi un rappel du combat que mène l’ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique à travers son oeuvre (Les Croisades vues par les Arabes, Léon l’Africain, Les Identités meurtrières) pour inviter au dialogue entre les civilisations.
Un combat auquel il n’entend pas renoncer, même si les temps ne sont guère propices : « Un mur s’élève aujourd’hui en Méditerranée entre les univers dont je me réclame. Ce mur, mon ambition est de le démolir. Telle a toujours été ma raison de vivre, d’écrire. » C’était aussi l’objectif de Claude Lévi-Strauss, montrera-t-il en faisant l’éloge de ce grand ethnologue qui joua un rôle pionnier pour proclamer « l’égale dignité de toutes les civilisations humaines », et dont il occupe désormais le siège.
Métissage
Choisi pour prononcer le discours de bienvenue, l’écrivain Jean-Christophe Rufin – qui fut ambassadeur de France au Sénégal – a dit pour sa part, au terme d’une brillante exploration de l’oeuvre de Maalouf, à quel point celui-ci était prédestiné par son histoire familiale – qui est le sujet d’Origines – à rechercher cet « équilibre instable » entre « enracinement et appel au monde ». Et, aussi, à célébrer le métissage culturel, tout en renvoyant dos à dos Orient et Occident quand le premier verse dans le fanatisme et le second transforme sa conscience morale en instrument de domination. Son arrivée est une bonne nouvelle pour l’Académie, a conclu Rufin, car « rares sont ceux qui sont venus avec autant de mondes différents ».
Cette volonté de confronter des mondes différents sera encore au coeur du prochain livre d’Amin Maalouf, à paraître en septembre, et dont le personnage principal revient au Liban après avoir passé vingt-cinq ans en Occident. Les Désorientés marqueront son retour très attendu au roman, après dix ans consacrés à l’écriture d’essais ou de livrets d’opéra.
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