Sommet de la Terre à Rio : un vrai défi pour l’Afrique

Plus de cent vingt chefs d’État se retrouvent à Rio du 20 au 22 juin pour le cinquième Sommet de la Terre. La trentaine de représentants du continent plaidera la cause d’une région qui veut protéger son environnement sans sacrifier sa croissance.

Panneaux solaires au Burkina Faso. © AFP

Panneaux solaires au Burkina Faso. © AFP

Publié le 21 juin 2012 Lecture : 5 minutes.

Comme tous les dix ans à l’entrée de l’été, 120 chefs d’État, accompagnés de 50 000 personnalités du monde de l’économie, de la politique et de la société civile, se retrouvent au chevet de la planète pour participer à un Sommet de la Terre sous l’égide des Nations unies. Après Stockholm (1972), Nairobi (1982), Rio de Janeiro (1992) et Johannesburg (2002), tout ce beau monde est de retour vingt ans plus tard dans la mégalopole brésilienne pour Rio+20 jusqu’au 22 juin. Un hommage au sommet de 1992 qui avait abouti à la « déclaration de Rio » et ses 27 principes, lesquels avaient débouché, en 1997, sur le protocole de Kyoto, l’unique traité international de lutte contre l’effet de serre. Le document n’a cependant jamais été ratifié par les États-Unis, avant d’être dénoncé par le Canada fin 2011…

Toutefois, comme l’affirme Denis Sassou Nguesso, le président du Congo, « la bonne nouvelle vient d’Afrique. Les Africains font partie de ceux qui marchent en première ligne sur le chemin nouveau. L’Union africaine considère Rio+20 comme une occasion supplémentaire de placer réellement, concrètement et définitivement le développement durable au coeur de ses priorités ». C’est d’ailleurs l’un des deux thèmes majeurs du sommet avec « l’amélioration de la coordination internationale ».

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Une trentaine de chefs d’État africains, emmenés par le président congolais, font le déplacement pour plaider la cause de l’Afrique et éviter le scénario du pire. « L’Afrique n’a pas contribué au problème du changement climatique, mais elle sera la région du monde la plus affectée », déplore Bineswaree Bolaky, économiste de la division Afrique à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Déforestation, montée des océans, désertification, épuisement des ressources naturelles, disparition de terres agricoles, insécurité alimentaire, urbanisation galopante, manque d’accès à l’énergie et à l’eau, augmentation du chômage, creusement des inégalités… Le changement climatique peut entraîner un effet domino aux conséquences dévastatrices pour l’Afrique si rien n’est fait pour l’enrayer. Cette épée de Damoclès qui pèse sur le continent et s’abattra d’ici à vingt ou trente ans sur la tête de 2 milliards d’Africains sera évoquée lors de l’« Africa Day » qui se tient le 19 juin à l’initiative du Congo-Brazzaville lors de Rio+20, à la veille de la réunion des 120 chefs d’État.

Pression

"Les Africains sont en première ligne", se réjouit Sassou Nguesso.

L’un des principaux défis du continent est de préserver l’environnement et les ressources naturelles pour les générations futures sans sacrifier la croissance soutenue indispensable au développement. « À mesure que les économies africaines se développent, la pression sur l’environnement augmente et l’exploitation des ressources s’intensifie », s’inquiète Bineswaree Bolaky, l’une des auteures de « Transformation structurelle et développement durable en Afrique », le rapport de la Cnuced publié le 13 juin. « Aujourd’hui, poursuit-elle, l’Afrique consomme 5 milliards de tonnes de matières premières issues de son sol (énergie fossile, minéraux, biomasse…) par an. Si la croissance annuelle du continent se poursuit à un rythme annuel de 7 %, le PIB de l’Afrique sera multiplié par quinze d’ici à 2050 et la consommation de matières premières s’élèvera à 72 milliards de tonnes. »

    

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Depuis dix ans, explique en substance le document de la Cnuced, le continent connaît une forte croissance, mais elle n’est pas durable et repose sur l’exploitation de ressources naturelles épuisables, sans création de valeur ajoutée ni d’emplois. L’Afrique dispose cependant « d’une marge de manoeuvre pour éviter les erreurs des pays industrialisés et ne pas suivre leur schéma de développement peu durable », assure l’organisation. Une analyse partagée par la Banque africaine de développement (BAD). « L’Afrique a le choix. Adopter une approche plus durable de développement peut procurer des avantages en termes de sécurité de l’environnement et de bien-être, ainsi qu’une compétitivité accrue », affirme Donald Kaberuka, le président de la BAD, qui a présenté le 1er juin un rapport sur « l’empreinte écologique de l’Afrique ».

Découplage

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Plusieurs pistes pour une croissance verte sont esquissées. Elles reposent sur deux piliers : l’agriculture et l’industrie. « On ne peut pas demander à l’Afrique de renoncer à exploiter ses matières premières, elle en a impérativement besoin pour son développement. Mais elle peut recourir à des technologies qui lui permettront de les économiser pour produire plus avec moins », estime Bolaky. Ce que la Cnuced appelle le « découplage relatif ». En clair, il s’agit pour l’agriculture d’obtenir de meilleurs rendements en utilisant moins d’intrants et d’eau. Pour l’industrie, cela consiste à prendre des mesures qui limitent les pollutions (efficacité énergétique, recours aux énergies renouvelables et aux technologies propres, recyclage, réduction des déchets…)

La défense de l’environnement n’est donc plus uniquement un problème de pays riche. L’Éthiopie semble l’avoir compris. Sous l’impulsion de Mélès Zenawi, son Premier ministre, le pays a adopté le Climate-Resilient Green Economy (CRGE). Présenté à Rio, il sera mis en oeuvre à partir de 2013 et prévoit de multiplier par cinq la production hydroélectrique pour couvrir 90 % des besoins en 2030. Reste à trouver les moyens financiers. « Placer l’Afrique sur une trajectoire de croissance à faibles émissions de carbone » demandera entre 9 et 12 milliards de dollars (entre 7 et 9,5 milliards d’euros) par an jusqu’en 2015, a calculé la BAD. Reste à savoir si l’appel sera entendu à Rio. Rien n’est moins sûr. Et c’est sans doute le principal défi que vont devoir relever les représentants africains présents sur place.

Quand les chefs s’en mêlent

À Copenhague, en décembre 2009, lors du Sommet sur le climat, le représentant de l’Union africaine était le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi. Deux ans plus tard, la Conférence de Durban était présidée par l’hôte sud-africain, Jacob Zuma. Cette fois, à Rio, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, sera la voix du continent. Son atout, c’est la forêt du bassin du Congo, le deuxième poumon vert dans le monde après l’Amazonie. « Ce poste est très convoité et fait l’objet d’une intense bagarre, explique un haut diplomate africain. Car les questions d’environnement sont très positives en termes d’image. »À cela s’ajoute une réelle prise de conscience. L’économie verte, le marché du carbone, l’exploitation durable des forêts, la défense de la diversité ont fait leur apparition dans les discours politiques. D’autres chefs d’État l’ont bien compris, comme Ali Bongo Ondimba au Gabon ou le roi MohammedVI au Maroc… Une liste qui est appelée à s’élargir. Philippe Perdrix.

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