Désinformation, corruption et cyberguerre d’influence à la veille des élections au Nigeria
Une enquête de la BBC révèle que les politiciens nigérians, en pleine campagne, s’offrent les services numériques de lanceurs d’alerte ayant parfois recours à la désinformation.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 20 janvier 2023 Lecture : 2 minutes.
Époque des idéologies en « isme » mortifères et propagandistes, le XXe siècle semblait devoir faire place à un XXIe siècle de l’information objective et de l’éducation populaire au décryptage. Mais l’avènement du numérique qui devait garantir la vulgarisation et la transparence est aussi synonyme de « news » aussi virales et monétisées que non homologuées, voire « fake ».
À cinq semaines des élections présidentielle, législatives et sénatoriales du 25 février prochain, nombre de politiciens du Nigeria n’ont guère de scrupules à surfer sur la vague des « vérités alternatives »…
Orienter les opinions
C’est ce que révèle une enquête de la BBC. Le radiodiffuseur britannique de service public dévoile que les partis politiques nigérians paient, sous le manteau, des influenceurs pour orienter leurs opinions, voire leur commander des contenus de désinformation sur leurs adversaires. L’enjeu est de taille. Quatre-vingt des plus de 200 millions de Nigérians sont connectés à des médias sociaux où interviennent des leaders informels d’opinion qui s’adressent, pour certains, à plusieurs centaines de milliers de followers, notamment sur Facebook et Twitter. Et les plus virales de leurs publications de continuer leur petit bonhomme de chemin, en particulier sur WhatsApp…
Les contreparties proposées aux influenceurs et à leurs réseaux de « micro-influenceurs » sont telles que l’achat de conscience vire rapidement à l’intoxication : des sommes d’argent en espèces qui peuvent atteindre des dizaines de millions de nairas (dizaines de millions de francs CFA), des cadeaux somptueux, des contrats gouvernementaux et même des nominations politiques à des postes d’assistants ou dans des conseils d’administration. Fleurissent alors des fake news souvent ancrées dans des polémiques religieuses, ethniques ou régionalistes.
Le jeu de la désinformation
Le nom de Kashim Shettima, candidat de l’APC à la vice-présidence, fut associé injustement à des membres du groupe islamiste Boko Haram et celui du candidat à la présidence du Parti travailliste, Peter Obi, au mouvement séparatiste Ipob (Peuple indigène du Biafra). Le candidat du Peoples Democratic Party (PDP, opposition) à la présidence, Atiku Abubakar, se verra, lui, attribué un dossier médical imaginaire…
Avouant pratiquer la désinformation comme un « jeu » dont le score est le nombre d’abonnés et de vues, les lanceurs de fausses alertes privilégient la diffusion de l’émotion virale, profitant de cette irrationalité ambiante qui n’est ni spécifiquement nigériane, ni exclusivement africaine. La lutte des trolls fait rage aussi dans les pays francophones où la France et la Russie ont maille à partir. En dehors du continent, les fake news politiques ont gangréné des rendez-vous démocratiques comme la présidentielle américaine de 2016 ou le vote du Brexit.
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