Inde : le Congrès à bout de souffle
Ralentissement de l’économie, scandales divers, crise de leadership… À deux ans des élections générales, le parti au pouvoir en Inde paraît bien mal embarqué.
Le miracle économique indien fera-t-il long feu ? Prenant acte de la dégringolade de la roupie, de la persistance de l’inflation (sans doute 8,6 % en 2012), de la diminution des investissements étrangers et du ralentissement de la croissance (5,3 % au premier trimestre de cette année, après avoir frôlé les 9 % pendant des années), certains spécialistes commencent à se poser la question. Les milieux d’affaires constatent que leur pays perd du terrain face à ses concurrents directs. Et s’il advenait un jour qu’au sein du quintette des pays émergents, les fameux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le « i » ne désigne plus l’Inde, mais Israël ou l’Indonésie ?
C’est dans ce contexte morose que le Parti du Congrès a discrètement fêté au mois de mai le huitième anniversaire de son retour aux affaires. Le Grand Old Party indien traverse une inquiétante crise de confiance qui contribue sans doute au ralentissement de l’économie. Fondé en 1885, il a connu son heure de gloire au temps du Mahatma Gandhi et de son mouvement de résistance populaire et non violent qui mit fin au pouvoir colonial. Lors de l’indépendance, en 1947, la direction du pays lui échut tout naturellement. À l’initiative de Nehru, son chef, il mit en place un cadre démocratique et laïque qui perdure aujourd’hui encore. Le rôle éminent joué par le Congrès dans l’émergence de l’Inde en tant que puissance mondiale n’est contesté par personne, pas même par ses ennemis les plus acharnés. Au total, il a dirigé le pays pendant presque un demi-siècle, avec, de temps à autre, de brefs passages dans l’opposition. Revenu au pouvoir en 2004 à la tête d’une coalition de centre-gauche, il l’a de nouveau emporté en 2009. Mais son action est aujourd’hui paralysée par une série d’affaires. En 2011, l’organisation des Jeux du Commonwealth fut par exemple un fiasco retentissant. Corruption et incompétence des organisateurs : pas de quoi pavoiser. La même année, l’attribution de licences de téléphonie mobile déboucha elle aussi sur un scandale. Du coup, au mois de mars dernier, le Congrès a subi un cinglant échec lors des élections régionales dans l’État de l’Uttar Pradesh, le plus peuplé du pays. En dépit de l’implication active dans la campagne de Rahul Gandhi, fils de la présidente du parti et héritier de la dynastie Gandhi-Nehru, il n’a remporté que 28 sièges sur 403. Ce résultat catastrophique augure bien mal de son score lors des élections générales de 2014.
Héritier de la dynastie Gandhi-Nehru, Rahul ne soulève pas l’enthousiasme des électeurs.
Sables mouvants. Il révèle surtout un manque de leadership que confirme l’impuissance du gouvernement, depuis trois ans, à faire adopter par le Parlement la moindre réforme économique d’envergure. Celle du système fiscal, dont l’opacité est pourtant dénoncée par tous les investisseurs étrangers, a été abandonnée. De même, le projet d’ouvrir le secteur de la distribution aux opérateurs étrangers s’est enlisé dans les sables mouvants. En 2004, l’arrivée à la primature de Manmohan Singh, dont le nom est associé à la libéralisation de l’économie indienne, avait pourtant suscité de grands espoirs dans les milieux d’affaires. Depuis, ils déchantent.
Ce n’est un secret pour personne que Singh, qui est octogénaire et souffre de problèmes cardiaques, souhaite se retirer de la vie politique active. Sonia Gandhi, la présidente du parti, n’est guère plus vaillante : elle a subi l’an dernier une lourde opération chirurgicale. En toute logique dynastique – celle qui a toujours prévalu à la tête du Congrès -, le flambeau devrait être repris à brève échéance par Rahul Gandhi, lui-même fils, petit-fils et arrière-petit-fils de Premier ministre. Problème : à en juger par les résultats dans l’Uttar Pradesh, la perspective ne semble pas enthousiasmer les électeurs !
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