Crise au Mali : qui peut sauver le pays ?
Plus le temps passe, plus la situation dans le nord du Mali devient intolérable. Le recours à la force semble désormais inévitable. Armée malienne, opération africaine, appuis occidentaux… Jeune Afrique présente les différents scénarios militaires.
Qui peut sauver le Mali ?
Ce n’est plus une hypothèse, c’est une certitude : plus les jours passent, plus s’accentue la décomposition de cet État désormais éclaté, et plus le cauchemar stratégique, humanitaire et politique d’une somalisation du Mali hante l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb et bientôt l’Europe. Même ceux qui, il y a deux mois, accordaient à la sécession du Nord quelques circonstances atténuantes par sympathie pour les revendications socioéconomiques trop longtemps négligées des Touaregs sont effarés par la mainmise brutale des groupes islamistes les plus intransigeants sur ce qui reste des populations de l’Azawad. Comment accepter que le terrorisme et les trafics en tous genres trouvent un sanctuaire en plein coeur du Sahel, sous le couvert de la charia et la bannière d’un djihadisme dévoyé ? Reconquérir le Nord, par la négociation et la persuasion, mais aussi, ne nous leurrons pas, par la force, est donc un impératif. Reste à savoir comment.
Jusqu’ici, toute éventualité d’intervention militaire au Mali était soumise à un double préalable : elle devait se faire dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et avoir pour objectif immédiat le rétablissement de l’ordre constitutionnel à Bamako. Or cette double condition, régionale et institutionnelle, est désormais jugée inopérante pour trois raisons. Le capitaine putschiste Sanogo s’est officiellement retiré du pouvoir, laissant la place à une transition certes fragile, bancale, contestée et privée de son président en convalescence à Paris, mais reconnue par la communauté internationale. Les chefs d’État africains, à commencer par le président en exercice de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, jugeant le cadre de la Cedeao trop restrictif et exclusif, ont décidé de porter la crise malienne devant le Conseil de sécurité de l’ONU, afin d’obtenir de sa part un feu vert pour une intervention plus large dans le cadre du chapitre 7 de la charte – objectif auquel on voit mal l’un des cinq « grands » mettre son veto. Enfin, les éléments qui au sein d’une armée malienne humiliée demeurent opérationnels – en particulier, selon un spécialiste militaire français de la région, les unités formées par les marines américains ainsi que les milices arabes alliées – ne cachent pas leur volonté de revanche sous les ordres de quelques officiers de valeur prêts à en découdre.
La solution militaire n’aura de sens que si elle s’accompagne d’une solution politique.
Dès lors, les contours d’une opération de reconquête du Nord susceptible d’être déclenchée à brève échéance ressembleraient à ceci : une double offensive au sol de l’armée malienne, à partir de Bamako en direction de Tombouctou et à partir de la frontière nigérienne (où sont stationnés les 600 hommes du colonel loyaliste Alhaji Ag Gamou) en direction de Gao. Quatre pays voisins pourraient s’y adjoindre sous mandat onusien : le Niger, la Mauritanie, le Nigeria – via son aviation de transport militaire – et… l’Algérie. Ce dernier pays, le seul à pouvoir offrir l’appui aérien indispensable pour traquer les katibas rebelles en dehors des villes, serait prêt à s’engager à deux conditions, selon un proche conseiller du président nigérien Issoufou : « Pas de troupes au sol et pas d’intervention occidentale, en particulier française. » Dans cette hypothèse, l’aide de Paris et de Washington serait donc cantonnée à trois secteurs clés, mais en back office : le renseignement, la logistique de « l’arrière » et le financement, direct ou indirect, de l’effort de guerre malien.
Reste que rien de pérenne ne sera possible si, parallèlement au rétablissement de l’autorité de l’État sur le territoire, un remède n’est pas trouvé pour traiter à la racine le mal malien. Dans le Nord : négocier avec la branche « laïque », majoritaire, du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) une forme de fédération. Dans le Sud : mettre en place un pouvoir démocratique légitime en mesure de retrouver la confiance du peuple.
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