OMC : un accord multilatéral en demi-teinte
À Bali, les 159 pays membres de l’OMC sont parvenus à un accord après bien des retournements. Mais si l’accord commercial signé à Bali est de bonne augure pour l’avenir de l’institution, tous les pays ne partagent pas le même enthousiasme, notamment en ce qui concerne les questions agricoles.
« Pour la première fois de son histoire, l’OMC [Organisation mondiale du commerce] a vraiment tenu ses promesses », a lancé le directeur général de l’institution, le Brésilien Roberto Azevêdo, juste après l’approbation officielle du texte par les ministres des 159 États membres réunis sur l’île de Bali, en Indonésie. À l’issue de la 9e conférence ministérielle de l’OMC, le consensus a été atteint, alors que de nombreux responsables avaient dit craindre pour l’avenir même de l’OMC et du multilatéralisme en général, en cas d’échec à la conférence ministérielle.
L’accord concerne trois volets : l’agriculture, avec un engagement à réduire les subventions à l’export, l’aide au développement, prévoyant une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés, et la « facilitation des échanges », qui a l’ambition de réduire la bureaucratie aux frontières. Les coûts de transport des marchandises devraient être réduits de 10 à 15 % à travers le monde selon la Chambre de commerce internationale.
Les barrières au commerce
L’Afrique présente les plus longs retards à la douane au monde. Selon la Banque africaine de développement, le transport des biens de la Zambie au Zimbabwe en passant par le poste douanier des chutes Victoria peut durer jusqu’à 36 heures. Au Nigeria, on dénombre pas moins de 69 points de contrôle officiels sur l’autoroute entre Lagos et Abuja. Selon un rapport de l’OCDE, les pertes de revenu liées aux procédures douanières inefficaces dans certains pays africains dépassent 5 % du PIB.
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C’est là un point que les 159 États veulent améliorer. Mais à Bali, tout le monde ne partage pas le même enthousiasme. L’agriculture s’est avérée être le sujet le plus épineux. L’Inde a refusé jusqu’au dernier jour tout compromis concernant son plan massif de subventions agricoles, avant d’accepter de renégocier cette clause lors du prochain sommet de l’OMC. L’Afrique du Sud a soutenu la position indienne, arguant que les programmes de subvention devraient continuer dans la mesure où ils sont importants pour des millions de personnes et de paysans pauvres dans les pays en développement.
Pays les moins avancés
Certains pays pauvres ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur capacité à faire les mises à niveau requises par un tel accord. Les pays en développement veulent des engagements fermes en termes d’assistance technique et de renforcement des capacités. Dans une déclaration, Rob Davies, le ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie, s’inquiète de l’importance accordée à la facilitation des échanges au détriment du volet « aide au développement ». Selon ce dernier, aucun équilibre n’a pas établi entre les trois piliers de l’accord, et le volet portant sur les pays les moins avancés reste faible, ce qui repousse encore une fois les « demandes légitimes des pays les plus pauvres ».
Pour aider les économies en développement à satisfaire les conditions requises dès le mois de janvier, les donateurs tels que l’Union européenne, la Banque mondiale et l’OCDE ont promis de financer des programmes d’aide pour former les fonctionnaires douaniers et développer les infrastructures.
Si l’OMC évalue à 1 000 milliards de dollars la richesse que « le paquet de Bali » permettra de créer, avec à la clef des millions d’emplois, « Bali n’est qu’un début », concède Roberto Azevêdo. « Nous avons dorénavant douze mois pour établir une feuille de route pour conclure le programme de Doha. »
Les oublis de Bali
L’accord conclu à Bali par les 159 pays membres de l’OMC accorde un répit à l’organisation internationale. Pour autant, la difficulté des négociations et les nombreux compromis nécessaires à la signature d’une convention pourtant aussi légère en contenu n’augure rien de bon pour la suite.
Premièrement, les gains à espérer de la « facilitation des échanges » sont moins tangibles et immédiats que ceux qui découlent d’une réduction des barrières tarifaires ou des quotas. En effet, leur réalisation dépend non seulement du bon vouloir des États mais aussi de leurs capacités techniques. Il n’est pas certain que les pays pauvres notamment aient la possibilité, à moyen terme et même avec le soutien promis par les instances internationales, de mettre en place les mesures nécessaires. Et même si cela était réalisé à temps, il est peu probable que les effets escomptés se fassent ressentir immédiatement.
Deuxièmement, l’accord omet entièrement quatre sujets d’une importance capitale : les barrières tarifaires et réglementaires au commerce des biens manufacturés, la question du commerce transfrontalier de services, les droits de propriété intellectuelle et l’harmonisation des normes phyto-sanitaires. La plupart des conventions, réalisées dans le cadre de l’OMC, et couvrant ces sujets ont montré de sérieuses lacunes au cours de la dernière décennie. Ces questions concernent au plus haut point les pays développés, elles n’ont pas été abordées.
Troisièmement, le déroulé même des négociations de Bali devrait inquiéter. Le sujet des subventions agricoles, pourtant crucial, a maintes fois mené les discussions dans une impasse. L’accord final renvoie la question à la prochaine réunion ministérielle de l’OMC, sans aucune garantie que des progrès seront réalisés entre temps ou même qu’une porte de sortie soit envisageable. Après douze ans de négociations, cet accord vraiment a minima est le seul que l’OMC ait pu obtenir. Il n’y a là rien de très rassurant.
Joël Té-Léssia
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