Présidentielle égyptienne : Ahmed Chafiq, un cacique en embuscade
Ancien homme lige de Hosni Moubarak, il affrontera l’islamiste Mohamed Morsi au second tour de la présidentielle égyptienne, les 16 et 17 juin.
Avec 23,66 % des voix au premier tour – contre 24,78 % à Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans -, Ahmed Chafiq, 71 ans, est le deuxième homme de la présidentielle. Une élection que l’ex-commandant en chef de l’armée de l’air est déterminé à remporter : en annonçant sa candidature, en décembre, il a rapidement troqué ses pulls décontractés contre des costumes aux couleurs sobres. Et après le décès de son épouse, en avril, il n’a suspendu sa campagne que trois petits jours.
Considéré par les révolutionnaires comme un cacique de l’ancien régime, Chafiq n’a jamais caché l’admiration qu’il voue au président déchu. Diplômé de l’Académie militaire de Belbeis (au nord du Caire), il a fait la majeure partie de sa carrière dans l’armée de l’air, sous le commandement de Hosni Moubarak, qu’il a très vite érigé en modèle. Le poste de ministre de l’Aviation civile, que cet ancien pilote d’élite a été le premier à occuper, en 2002, aurait été créé spécialement pour lui sur ordre du raïs. Il paraît d’ailleurs avoir hérité de quelques mauvaises habitudes du dictateur : début mai, il a expliqué qu’en cas de victoire il n’hésiterait pas à demander à l’armée de réprimer toute manifestation hostile.
Un rival sérieux pour Morsi
Ses détracteurs lui reconnaissent cependant le mérite d’avoir réussi la rénovation de l’aéroport du Caire et d’avoir fait d’Egypt Air l’une des principales compagnies du continent. Mais plusieurs accusations de corruption viennent entacher son parcours. Début mai, un député a porté plainte contre lui, l’accusant d’avoir vendu aux deux fils Moubarak des terrains appartenant à l’État, à un prix dérisoire.
Chafiq n’en reste pas moins un rival sérieux pour Mohamed Morsi. Une partie de l’électorat libéral de Hamdine Sabahi, l’ex-candidat nassériste, pourrait voter pour lui par crainte de la puissante confrérie. Le vétéran de guerre (il combattit contre Israël en 1967 et en 1973) peut aussi compter sur les partisans d’Amr Moussa, l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe. Outre le chaos qui règne dans le pays depuis la révolution et auquel il entend mettre fin, Chafiq a fait de la lutte anti-islamiste l’un de ses thèmes de campagne favoris. Il multiplie les mises en garde contre l’arrivée au pouvoir des Frères, qui, selon lui, menacent les droits des femmes et des Coptes, et risquent de ramener l’Égypte à « l’âge des ténèbres ». Le 3 juin, lors d’une conférence de presse organisée dans un luxueux hôtel cairote, celui qui fut le dernier Premier ministre de Moubarak est allé plus loin, en accusant la confrérie de collusion avec l’ancien régime et en rappelant que la percée des Frères aux législatives de 2005 était le fruit d’un pacte passé avec les autorités.
Course
Sa candidature pourrait toutefois être menacée. Le 14 juin, soit deux jours avant le second tour, la Haute Cour constitutionnelle doit statuer sur la validité d’une loi privant de leurs droits politiques les personnes ayant exercé de hautes responsabilités sous Moubarak. Si cette loi était jugée constitutionnelle, Chafiq pourrait être déclaré hors jeu, et de nouvelles élections devraient alors être organisées. Cela étant, une commission consultative a déjà formulé un avis défavorable au maintien de ladite loi, en raison de son caractère rétroactif et discriminatoire. Pour Raafat Fouda, professeur de droit constitutionnel à l’Université du Caire, la Haute Cour devrait adopter la même position. « La loi est anticonstitutionnelle. Tout le monde sait qu’elle ne passera jamais et que Chafiq restera dans la course », explique le juriste, désabusé.
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