Après les critiques, les parlementaires marocains veulent « rééquilibrer » leur relation avec le Parlement européen
Après le vote, le 19 janvier, d’une résolution du Parlement européen critiquant la situation des journalistes au Maroc, les chambres des représentants et des conseillers ont contre-attaqué à l’occasion d’une session parlementaire conjointe organisée ce 23 janvier.
Sans surprise, le Maroc a vivement critiqué la résolution du Parlement européen (PE) du 19 janvier sur la situation des journalistes au Maroc. Le temps d’une séance plénière conjointe qui a réuni la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers, les parlementaires marocains ont mis de côté leurs divergences idéologiques pour condamner unanimement le texte voté par leurs homologues européens à une large majorité (356 voix pour, 32 contre, 42 absentions).
Cette résolution européenne, non contraignante juridiquement, n’en conserve pas moins une forte teneur symbolique : cela faisait une vingtaine d’années que la question des droits de l’Homme au royaume n’avait pas été débattue au sein de l’hémicycle.
Unisson
Lors de leurs prises de parole, députés et élus de la chambre des Conseillers ont répliqué en multipliant les attaques contre le Parlement européen, dénonçant unanimement une « ingérence » ainsi qu’un « acharnement » contre le royaume. « De quel droit le Parlement européen donne-t-il des ordres au Maroc ? » s’est exclamé le député et président du groupe constitutionnel démocratique et social Belassal Chaoui, qui a également évoqué une « violation de la souveraineté judiciaire d’un pays partenaire ».
À la tribune, Rachid Hamouni, député du Parti du progrès et du socialisme, a dénoncé pour sa part des « provocations politiques » ainsi que des « allégations fallacieuses », et affirmé que le Maroc n’acceptera « aucune tutelle ».
Partageant le constat de ses collègues, le secrétaire général du Mouvement Populaire, Mohammed Ouzzine, a tenu à « saluer le courage des parlementaires espagnols qui se sont opposés à la résolution ». Une vingtaine d’eurodéputés espagnols, membres du PSOE – le parti du Premier ministre Pedro Sánchez -, ont en effet voté contre la résolution du Parlement européen. Probablement une manière de ne pas compromettre le prochain sommet de haut niveau entre l’Espagne et le Maroc, qui se tiendra à Rabat les 1er et 2 février.
La condamnation de la résolution du Parlement européen a donc assez largement transcendé les clivages politiques et accordé à l’unisson tant les élus du Parti de la Justice et du Développement (PJD), de l’Istiqlal, ou encore des différentes formations socialistes. Abdellah Bouanou, député du PJD, a d’ailleurs reconnu un « consensus de toute la nation marocaine pour faire face aux attaques subies par le Maroc », et dénoncé une « ingérence dans [les] affaires internes» du pays.
« Favoritisme » envers l’Algérie
De son côté, Aziz Rhali, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) qui réclame la libération du tous les détenus politiques, juge la réaction du Parlement « démesurée » et craint des « retombées négatives ».
« Avec ces réactions impulsives, comme avec la Tunisie [le Maroc a rappelé son ambassadeur suite à l’accueil par le président tunisien Kaïs Saïed du chef du Polisario, Brahim Ghali, NDLR], la diplomatie marocaine risque de perdre des partenaires », juge le président de l’AMDH.
Interrogé sur la possibilité d’une crise durable entre le Maroc et l’Union européenne, le député Abdelmajid Fassi-Fihri, membre de la commission parlementaire mixte Maroc-UE, se veut rassurant, rappelant que la résolution votée par les eurodéputés n’a « aucune valeur juridique ». Mais reconnait tout de même la nécessité de « rééquilibrer la relation » entre les deux Parlements. « Nous allons nous réunir prochainement pour examiner comment nous pouvons revoir notre relation avec le Parlement européen », assure l’élu membre du parti de l’Istiqlal.
« Le 23 décembre dernier, le média Radio M a été fermé en Algérie, et le journaliste Ihsane El-Kadi emprisonné. Y’a-t-il eu une résolution du Parlement européen sur le sujet ? C’est ce deux poids deux mesures que nous dénonçons », conclut Abdelmajid Fassi-Fihri qui évoque un « favoritisme » envers Alger.
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