Le procureur général inculpé dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth
Le juge Bitar reprend l’enquête sur l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, le 4 août 2020. Après une suspension de plus d’un an, il rouvre le dossier en inculpant des hommes politiques de premier rang, dont certains proches du Hezbollah.
Tarek Bitar, le juge libanais chargé d’enquêter sur l’explosion meurtrière du port de Beyrouth en 2020 a repris son travail, selon une source judiciaire, après une suspension de 13 mois provoquée par des pressions politiques. L’enquête sur la cause de l’explosion était au point mort depuis décembre 2021, des hommes politiques convoqués pour être interrogés ayant déposé des plaintes contre lui, l’obligeant à interrompre son enquête.
À la surprise générale, le juge Tarek Bitar a décidé, le 23 janvier, de rouvrir le dossier de la catastrophe qui avait fait plus de 200 morts et 6 500 blessés. Dès le 24 janvier, il a continué de défier le pouvoir en inculpant le procureur général près la cour de Cassation, Ghassan Oueidate, après avoir pris la même décision, la veille, pour deux puissants responsables de la sécurité : le puissant directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, considéré comme proche du Hezbollah, et le chef de la Sûreté d’État, Tony Saliba, proche de l’ex-président Michel Aoun dont le mandat a expiré il y a trois mois.
Au total, treize personnes sont poursuivies, dont cinq responsables que le juge Bitar avait déjà inculpées par le passé, notamment l’ancien Premier ministre Hassan Diab et d’anciens ministres.
L’ombre du Hezbollah
« Enquête sur le port : Tarek Bitar est devenu fou », a titré le 24 janvier Al-Akhbar, proche du puissant Hezbollah pro-iranien qui domine la vie politique au Liban. Le quotidien accuse le juge d’agir « sur la base d’ordres américains et avec un soutien judiciaire européen ». Le porte-parole du Département d’État a assuré que les États-Unis « soutenaient les autorités libanaises et les exhortaient à mener une enquête rapide et transparente », selon un tweet de l’ambassade américaine à Beyrouth daté du 24 janvier.
L’énorme explosion du 4 août 2020 avait été provoquée par le stockage sans précaution de centaines de tonnes de nitrate d’ammonium dans un entrepôt au port. Elle a été imputée par une grande partie de la population à la corruption et la négligence de la classe dirigeante, accusée également par les familles de victimes et des ONG de torpiller l’enquête pour éviter des inculpations.
Pas de mesures de sécurité
Le procureur général près la cour de Cassation, Ghassan Oueidate avait supervisé en 2019 une enquête des services de sécurité sur des fissures dans l’entrepôt où était stocké le nitrate d’ammonium sans mesures de sécurité.
Le juge Bitar a fixé les dates de leurs interrogatoires, entre le 6 et le 13 février, selon le responsable judiciaire. Hassan Diab, qui dirigeait le gouvernement lors de l’explosion du 4 août 2020, avait déjà refusé de comparaître. Réagissant à cette inculpation, le parquet libanais a rejeté toutes les décisions du juge chargé de l’enquête.
(avec AFP)
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