France : Fillon-Copé, le grand duel

Entre François Fillon et Jean-François Copé, les hostilités sont déclarées. La première bataille aura lieu, à l’automne, pour la présidence de l’UMP. Avec la présidentielle de 2017 en ligne de mire.

Copé et Fillon lors des Journées parlementaires de l’UMP, en octobre 2011. © AFP

Copé et Fillon lors des Journées parlementaires de l’UMP, en octobre 2011. © AFP

Publié le 13 juin 2012 Lecture : 4 minutes.

Quel charivari ! Pour avoir déclaré que l’Union pour un mouvement populaire (UMP) « n’a plus de leader naturel » depuis le retrait de Nicolas Sarkozy, François Fillon est accusé par Jean-François Copé, son secrétaire général, de « lancer la guerre des chefs ». Au risque d’aggraver par des divisions internes les tiraillements provoqués par la droitisation sarkozienne de fin de campagne et de démobiliser l’électorat à la veille des législatives. Depuis, les coups tombent comme à Gravelotte : « Une vraie connerie… Il s’est tiré une balle dans le pied… Il surréagit comme un homme sans troupes… » On reproche à l’ancien Premier ministre de jouer contre son camp face à une gauche déjà donnée majoritaire dans la nouvelle Assemblée.

Comment Copé peut-il reprocher à Fillon de rendre publiques ses ambitions alors que les siennes sont tellement criantes qu’il les met aujourd’hui en sourdine ?

« Quelle hypocrisie !  », s’exclame Fillon, avec une véhémence inhabituelle. Il nie toute guerre des chefs. La guerre n’est pas dans son vocabulaire. Quant au chef, il est parti avec Nicolas Sarkozy, non sans avoir invité sa famille à se hâter d’en trouver un autre. Est-ce « l’enterrer un peu vite », comme l’en accuse méchamment Rachida Dati, que de souligner l’évidence de ce vide ? N’est-ce pas pour combler ce vide que le parti a décidé d’élire son président lors d’un congrès, avant la mi-novembre ? « Démocratiquement », insiste Fillon, façon de rappeler que Copé a, lui, été nommé par le chef de l’État. Pour achever de rafraîchir les mémoires, ses partisans demandent qui a ouvert les hostilités, sinon Copé lorsqu’il s’est autoproclamé « chef de l’opposition ». Comment peut-il reprocher à l’ancien Premier ministre de rendre publiques ses ambitions alors que les siennes sont devenues tellement criantes qu’il juge aujourd’hui opportun de les mettre en sourdine ?

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Le secrétaire général affecte en effet de calmer le jeu. Le 26 mai, lors d’une réunion des cadres de l’UMP, il a donné raison à son rival sur le « leadership naturel », puisque, dans la pratique de la Ve République, c’est le chef de l’État qui assure par nature cette fonction. Mais, sur la forme, il ne peut cacher sa joie. « C’est inespéré », jubile-t-il, confiant qu’il est « tombé du placard » lorsqu’il a appris les déclarations de Fillon. Avant d’ajouter, avec une rouerie pateline : « C’est pas chic pour les militants. » Les dirigeants politiques devront décidément se méfier encore plus à l’avenir des petites phrases. Dans l’excitation récurrente des empoignades présidentielles, on n’en retient plus désormais que les premiers mots. On oublie alors que si Fillon s’est promis de « prendre toute sa part » à la compétition ouverte par la défaite du 13 mai, il a pris soin d’ajouter « avec d’autres », et que « compétition ne signifie pas division ». Précaution bien inutile. Au train où vont les ambitions, on peut prévoir que la compétition se ramènera finalement à la bataille programmée de longue date : depuis que Sarkozy a installé Fillon à Matignon et Copé à la tête de l’UMP, et que chacun des deux prétendants a compris que la partie était perdue pour leur « mentor ».

Primaire sauvage

Personne ne contredit Harlem Désir, le numéro deux du Parti socialiste (PS), quand il observe : « Ils sont déjà dans une espèce de primaire sauvage pour 2017. » De fait, il ne s’agit plus seulement d’un de ces psychodrames d’ego où la politique recharge épisodiquement son adrénaline. « Ce sera un duel à mort », prédisent les pousse-au-crime des deux camps. Fillon garde tous les avantages qui lui ont valu de bénéficier jusqu’à la fin de la confiance majoritaire des Français. Face à Copé, qui peut compter sur la fidélité inconditionnelle de ses réseaux militants et se prévaloir du jugement unanime sur son efficacité d’organisateur et de rassembleur, l’ancien Premier ministre reste le favori des sondages. Il l’emporte non seulement pour la présidence du parti mais aussi pour la candidature élyséenne ; non seulement chez les sympathisants de droite, mais aussi dans l’ensemble des panels interrogés, avec des marges qui avoisinent parfois le plébiscite. Pas mal pour un présumé diviseur !

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Voilà qui devrait donner à réfléchir à ceux qui croient sincèrement, comme Alain Juppé, qui n’a pas renoncé à tout espoir pour lui-même, ou qui veulent croire, par attachement clanique à Copé, que le meilleur moyen de dissocier les rivalités de personnes des grands débats de fond est de distinguer nettement entre l’élection du président du parti, à l’automne, et la désignation du futur candidat à la magistrature suprême.

La procédure sera certes différente entre un congrès dominé par quelque deux cent cinquante mille militants et une consultation nationale à l’imitation de la primaire socialiste, dont tous les dirigeants de la droite reconnaissent aujourd’hui qu’elle a considérablement aidé à la victoire de la gauche. Il y a cependant une forte probabilité que le résultat soit le même. Fillon ou Copé, on imagine mal que celui qui sera choisi pour diriger le parti ne soit pas jugé le meilleur pour le ramener au pouvoir. Dès lors que, dans la tradition gaullienne, le chef de l’État, une fois installé à l’Élysée, se considère comme le vrai chef de la majorité, il est logique que le mieux placé en amont pour le devenir soit le chef de son élément majoritaire. Édouard Balladur a perdu pour avoir trahi le dogme et la règle. Jacques Chirac a gagné pour s’y être constamment conformé. Nicolas Sarkozy a vaincu à son tour en se hâtant d’y revenir après un long purgatoire. C’est maintenant François Fillon qui applique l’un et l’autre à la conduite de sa carrière, en confortant de surcroît ses chances par une candidature parisienne dont la ligne de mire est le munificent Hôtel de Ville d’où Chirac s’élança à la conquête de l’Élysée.

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On dira que, si près de la défaite et si loin encore d’une revanche incertaine, ces aventureux calculs relèvent de la politique-fiction. Reste que la partie est bien lancée et ne cessera désormais de rebondir au rythme de nouveau ininterrompu des sondages. 

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