Être bien soigné, c’est un droit !
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Edmond Bertrand
Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine
Publié le 14 juin 2012 Lecture : 3 minutes.
« L’appareil était en panne », « c’était trop cher », « le médecin n’était pas là »… Nombreux sont les malades déçus ou en colère en revenant de l’hôpital ou du dispensaire. Et pourtant, depuis une vingtaine d’années, on a construit des établissements, les équipements sont plus modernes et le personnel plus nombreux. Bref, en dehors des périodes de conflits, la situation aurait dû s’améliorer. Or ce n’est pas vraiment le cas, notamment en zones rurales.
Est-ce parce que les moyens sont insuffisants ? On est loin, en effet, des 15 % du budget que les États s’étaient engagés à verser à Abuja en 2001. En outre, le paiement des soins préconisé par l’Initiative de Bamako, en 1987, se heurte à la pauvreté de nombreux malades et à la rareté des personnes bénéficiant d’un système de remboursement. C’est pour cela qu’on ne peut pas soumettre à un paiement préalable les urgences mortelles : ce serait condamner certains patients à ne pas être soignés. Ces urgences menaçant la vie devraient être prises en charge sans conditions (avec paiement différé éventuellement). Peut-être faut-il aussi rétablir des médecins et chirurgiens « résidents » expérimentés, habitant l’hôpital et disponibles la nuit (contre des avantages de logement et de salaire), capables de gérer au mieux ces situations difficiles.
En raison des insuffisances du système de santé publique et des salaires des médecins fonctionnaires, ceux-ci ont développé des cliniques privées – en conservant parfois leurs fonctions hospitalières. Ainsi les malades « riches » sont-ils mieux pris en charge au détriment parfois des hôpitaux publics.
Qu’en est-il de l’aide internationale, publique ou privée ? Elle s’est élevée, en 2008, à environ 12 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros), selon le professeur Hubert Balique. Des maladies « prioritaires » en ont bénéficié (sida, paludisme et tuberculose entre autres). Mais cette aide n’a pas contribué à l’amélioration du fonctionnement des structures publiques de santé auxquelles s’adresse l’immense majorité des malades atteints d’affections non prioritaires mais cependant mortelles.
L‘aide internationale est le plus souvent « verticale », c’est-à-dire ciblée sur une ou deux affections prises en charge depuis la capitale jusqu’aux villages, à l’aide d’un budget suffisant, de 4×4 et de personnels mieux payés. Ces actions répondent parfois à des priorités « médiatiques » (susceptibles d’attirer des dons), voire à des conceptions d’experts occidentaux. Ces équipes ignorent souvent le travail quotidien, difficile et modeste des médecins des structures publiques de « terrain », privées de moyens et qui voient passer les équipes « riches » peu coopératives… Et pourtant, quatre-vingt-onze pays ont signé la déclaration de Paris (2005) soulignant la nécessité d’intégrer l’aide internationale dans les politiques de santé nationales qui doivent conserver la maîtrise de leur organisation sanitaire.
Des améliorations sont-elles possibles ? Évidemment. À mon sens, le premier objectif national et international devrait être non pas telle ou telle maladie, mais l’amélioration des structures, et de leur fonctionnement dans leur ensemble, afin qu’elles répondent mieux aux besoins de la majorité des malades et permettent des progrès dans TOUS les domaines. Une instance de coopération sanitaire régionale de haut niveau technique serait utile pour évaluer objectivement et de façon indépendante les actions entreprises – ce qui n’est presque jamais fait. Ces instances pourraient mettre en place des centrales d’achat et de maintenance. Enfin, elles pourraient aider et équiper des pôles d’excellence régionaux dans les spécialités qui ne peuvent se développer dans un cadre national trop étroit.
* Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine.
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