Algérie : Boualem Sansal, l’insoumis
Il vient de recevoir un prix littéraire, mais fait la une de la presse pour une autre raison. Son tort ? S’être rendu à Jérusalem pour débattre avec des romanciers israéliens. Rencontre avec l’écrivain algérien Boualem Sansal.
L’écrivain algérien Boualem Sansal a reçu le 29 mai, au Publicis Drugstore des Champs-Élysées (Paris), le prix Roman-News pour son dernier livre, Rue Darwin, publié en août dernier chez Gallimard et encensé par la critique. Cette récompense étant destinée à célébrer un roman qui met en scène de façon remarquable l’actualité, le jury ne s’est pas trompé : l’ouvrage de Boualem Sansal, une sorte de saga familiale tragicomique et pleine de verve, permet à son lecteur de relire toute l’histoire tourmentée de l’Algérie contemporaine, des prémices de la guerre d’indépendance jusqu’aux années Bouteflika. Avec un regard critique et ironique, sans doute sans équivalent aujourd’hui, sur son pays et les pouvoirs qui se sont succédé à sa tête.
Tabou
Ce n’est pourtant pas cette nouvelle distinction – après, notamment, le prix de la Paix des libraires allemands reçu à Francfort en octobre – qui vaut désormais au turbulent romancier de voir son nom cité en bonne place dans la presse, aussi bien en Europe et au Moyen-Orient qu’en Algérie. Boualem Sansal revient en effet d’un voyage en Israël où il a participé au Festival international des écrivains de Jérusalem, du 12 au 17 mai, avant de s’exprimer devant le public de l’Institut français de Tel-Aviv, émanation culturelle du Quai d’Orsay.
Cette réponse à une invitation à débattre dans la Ville sainte avec ses pairs romanciers, en particulier des écrivains israéliens fort critiques envers leur propre gouvernement, a heurté un quasi-tabou qui veut que les intellectuels arabes, et en particulier ceux de l’intransigeante Algérie, s’abstiennent de visiter l’État juif – en tout cas ouvertement ! – tant que persiste le conflit avec les Palestiniens. La presse algérienne, notamment, a réagi de façon particulièrement virulente.
Critiques
Boualem Sansal, de passage à Paris au retour d’Israël, confie à Jeune Afrique s’être attendu à des critiques en Algérie, où il est peu apprécié des autorités, qui ne lui rendent pas la vie facile, et des islamistes, qu’il ne ménage pas. Il se déclare cependant surpris par l’ampleur des réactions, dans et surtout hors de son pays. En particulier par celle du Hamas, qui, par un communiqué publié à Gaza, l’a accusé de trahison et a appelé les pays arabes à le boycotter. Mais aussi par celle des organisateurs du prestigieux prix du Roman arabe, qui, après l’avoir prévenu il y a de nombreuses semaines qu’il serait le lauréat 2012, ont subitement décidé de reporter la remise de la récompense prévue le 6 juin.
Du coup, Boualem Sansal, adversaire résolu de tout boycott culturel et qui refuse d’être inféodé à quelque autorité que ce soit, rentrera un peu plus tôt que prévu à Boumerdès, près d’Alger, où il continue de vivre et de travailler – un nouveau livre sera en chantier dès cet été.
Sans craindre pour sa liberté d’aller et venir, voire pour sa sécurité ? Il n’entend pas se poser la question, tout en reconnaissant qu’elle n’est pas sans fondement…
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