Thriller au Vatican
Un banquier congédié, un majordome incarcéré pour avoir volé et diffusé des documents ultrasensibles… Dans les coulisses du Vatican, l’entourage de Benoît XVI se livre à une lutte de pouvoir aussi délétère que féroce.
Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark », disait Marcellus dans Hamlet. Sans doute y a-t-il aussi quelque chose de pourri au Vatican. Sauf que, à la différence de la pièce de Shakespeare, ce qui se trame dans les recoins du palais apostolique ne relève pas de la fiction, mais d’une réalité qui fait froid dans le dos. Après les rumeurs d’un complot contre Benoît XVI, le 10 février, annonçant « sa mort dans les douze mois », l’arrestation, le 25 mai, de Paolo Gabriele, le majordome du pape, paraît digne d’un thriller de Dan Brown, l’auteur de Anges et Démons.
Tous les éléments sont réunis pour échafauder les scénarios les plus délirants. Accusé d’avoir dérobé puis transmis à la presse des documents et des lettres confidentiels dans le but de faire vaciller le pouvoir pontifical, l’homme le plus proche du Saint-Père est aujourd’hui aux arrêts dans un endroit tenu secret. À 46 ans, celui qui passait pour un fidèle serviteur serait le cerveau d’une vaste machination. Mais personne n’est dupe. « Soit il a perdu la tête, soit il est tombé dans un piège », affirme l’un de ses proches. En d’autres termes, Paolo Gabriele ne serait qu’une victime collatérale d’une guerre qui se déroule à un niveau bien supérieur. Une lutte d’influence pour le pouvoir, où tous les coups sont permis.
"Guerre totale"
« Un climat de tension a été créé, donnant lieu à une orgie de vengeance. Mais cette stratégie semble désormais échapper au contrôle de ceux qui pensaient pouvoir l’orchestrer », estime Alberto Melloni, historien de l’Église, dans les colonnes du quotidien La Stampa. Gabriele n’a pas le profil de l’emploi. Tout le monde en convient. « Les services secrets du Vatican disposent de systèmes de sécurité bien plus sophistiqués que ceux de la CIA, ce qui n’empêche nullement les cardinaux de continuer à écrire leurs messages à la main ou à les transmettre verbalement », rappelait un informateur du Saint-Siège dans les colonnes de plusieurs journaux italiens au lendemain de l’arrestation du valet de chambre. Ajoutant : « C’est une guerre totale. »
Des paroles qui font frémir, d’autant que l’affaire Gabriele se déroule dans un contexte particulièrement trouble. La veille de la mise aux arrêts du majordome, Ettore Gotti Tedeschi, président de l’Institut pour les oeuvres de religion – la « banque du Vatican » -, avait été renvoyé pour incompétence. À la tête de l’institution depuis trois ans, il s’était fait, semble-t-il, de nombreux ennemis en raison de son entêtement à vouloir apporter un peu de transparence au fonctionnement des finances vaticanes. En plus de vingt siècles d’existence et de secrets, de bien mauvaises habitudes ont pris racine, et il est bien naturel que les tenants du statu quo cherchent par tous les moyens à éviter les bouleversements.
Cible principale des comploteurs ? Sans doute le cardinal Bertone, le "Premier ministre" du Pape.
Nid de vipères
Leur cible principale ne serait pas le pape, mais le cardinal Tarcisio Bertone, le secrétaire d’État – l’équivalent d’un Premier ministre. Les différents documents remis à la presse italienne au cours de ces derniers mois ont souvent concerné sa gestion, une façon détournée de s’en prendre à celui qui jouit de toute la confiance du souverain pontife. Pour étayer cette hypothèse, certains observateurs rappellent que Benoît XVI a toujours manifesté plus d’intérêt pour la doctrine que pour la gestion des affaires vaticanes. La plupart des fuites concernaient des sujets dont le Saint-Père ne devait être informé que verbalement. « Raison de plus pour penser que les documents prétendument retrouvés au domicile du majordome n’ont jamais transité par le bureau du pape », insiste Vittorio Messori, un autre historien du Vatican. « La curie romaine a toujours été un nid de vipères », rappelle-t-il. Il aurait tout aussi bien pu résumer la situation avec une autre citation de Shakespeare, tirée de La Mégère apprivoisée : « Il y a peu à choisir entre des pommes pourries. »
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