Tunisie : Sarah Ben Hamadi, génération révolution

Alors que la Tunisie traverse une période de transition démocratique, Sarah Ben Hamadi, la blogueuse au fort tempérament, milite pour un journalisme citoyen.

Sarah Ben Hamadi, à Tunis, le 22 mars. © Heifel Ben Youssef pour J.A

Sarah Ben Hamadi, à Tunis, le 22 mars. © Heifel Ben Youssef pour J.A

Publié le 1 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

Réservée, c’est la première impression que laisse Sarah Ben Hamadi. Lors d’une séance photo dans les locaux de Jeune Afrique, l’auteure du blog Un oeil sur la planète, qui traite essentiellement de l’actualité tunisienne, semble un rien gênée. « Je n’aime pas beaucoup être photographiée », avoue-t-elle en riant.

Sarah Ben Hamadi n’est pas « une blogueuse de la dernière heure. Elle écrivait déjà sous Ben Ali », rappelle son compatriote Selim Kharrat, auteur du blog d’information Carpe diem. « Elle est très respectée au sein de la blogosphère tunisienne, c’est une observatrice éclairée de la scène politique et sociale. Et si elle est d’apparence calme, c’est quelqu’un qui a un fort tempérament », ajoute-t-il. Son entourage ne tarit pas d’éloges à son égard, mais Sarah Ben Hamadi sait rester modeste. « Les internautes n’ont pas eu un rôle si important qu’on veut bien le croire dans la révolution. Ils y ont participé, certes, mais comme tous les citoyens. Ce sont les jeunes des régions défavorisées qui ont vraiment fait cette révolution », explique la jeune femme de 27 ans. En vraie Méditerranéenne, elle parle avec les mains, avec force et conviction.

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Tribune

Après une maîtrise à l’Institut supérieur de gestion de Tunis et un master de gestion touristique à l’Institut des hautes études commerciales de Carthage, c’est le monde des lettres qui l’a finalement attirée. Ancienne directrice commerciale chez Cérès Diffusion, Sarah Ben Hamadi travaille aujourd’hui pour Tekiano, un site internet dédié à la culture web. Mais son domaine de prédilection reste le journalisme citoyen. Elle écrit en français, le soir dans sa chambre, alors que tout est calme. Elle souhaiterait passer à l’arabe, mais craint de ne pas être « à la hauteur ». « Le blogging, c’est une tribune d’expression qui me permet de dire librement ce que je pense », affirme-t-elle, avant de souligner que « c’est aussi une manière de parler de ce que la presse traditionnelle n’aborde pas, comme la révolte du bassin minier de Gafsa, en 2008 ».

Ce sont les jeunes des régions défavorisées qui ont vraiment fait cette révolution.

La jeune femme a collaboré avec Arte. Entre septembre et décembre 2011, à l’occasion des élections, elle a publié ses analyses de la société tunisienne sur le site de la chaîne de télévision franco-allemande consacré aux révolutions arabes. La blogueuse fait également partie des Cahiers de la liberté, « une association de veille politique et de sensibilisation démocratique ». « Elle est tellement sérieuse que parfois on lui dit : "Arrête, Sarah, on a le droit de rigoler de temps en temps !" », indique sur un ton amusé Yasmine, une amie d’enfance. « Elle était la seule dans notre groupe d’amis à être politiquement impliquée, à avoir le courage de parler de politique au moment où on n’avait pas le droit d’en parler », précise-t-elle. Au départ, ses parents, avec qui elle habite dans la banlieue huppée de La Marsa, au nord de Tunis, avaient peur pour elle. « Ils me disaient de faire attention, mais, maintenant, ils me soutiennent », ajoute Sarah.

Sans concession

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Quand elle s’emporte, contre Ennahdha, le principal parti islamiste tunisien actuellement au pouvoir, qu’elle juge « incompétent », ou les libéraux, qui « n’ont pas été assez présents sur le terrain durant les élections », sa parole s’accélère et son français se fait plus chantant. La blogueuse voit d’un mauvais oeil les liens qui se tissent actuellement entre son pays, le Qatar et l’Arabie saoudite. « Deux dictatures qui s’investissent dans des transitions démocratiques, cherchez l’erreur », ironise-t-elle. Et lorsqu’elle évoque la révolution, son ton est sans concession. « Les jeunes sont toujours au pied d’un mur à attendre un travail ou une moindre attention de la part de la société. On n’est pas à l’abri d’une seconde révolution, car ces gens-là, on les a oubliés », met-elle en garde. Sarah Ben Hamadi parle de la révolution « entre guillemets », car, pour elle, la révolution a été mise entre parenthèses. 

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