Katanga, l’explosion créative
Entre ses groupes de brakka, ses troupes de comédiens, d’acrobates, de danseurs de rue, et son célèbre Institut des beaux-arts, la capitale katangaise ne manque pas de talents.
Le Katanga grandeur nature
Musique, spectacles vivants, arts plastiques… La fière capitale du Katanga est sans conteste une cité de création artistique, connue pour cultiver ses talents. De tous les arts, c’est la musique qui reste le plus populaire et le plus prolifique. Lubumbashi s’est en effet très tôt distingué par sa production musicale propre, avec deux courants toujours en vogue dans ses quartiers populaires, en particulier dans la commune de la Kenya.
Le premier d’entre eux est le brakka, un rythme aux accents de jazz afro-américain. Originaire du sud du Katanga et du nord de la Zambie, il s’est affirmé à Lubumbashi dans les années 1950 avec le groupe Jecoke (Jeunes comiques de la Kenya), dont les stars d’alors étaient Édouard Masengo (dit Katiti) et Jean Bosco Mwenda wa Bayeke, qui chantaient, en swahili, le quotidien des ouvriers. Loin d’avoir disparu, le groupe compte toujours de nombreux fans.
D’origine zambienne, le karindula – du nom de l’instrument, une sorte de banjo géant fait de bric et de broc – s’est répandu dans le sud du Katanga dans les années 1970, où il a été accommodé à la sauce lushoise. Depuis, il est de toutes les cérémonies, joué pour les fêtes comme pour les deuils. Aujourd’hui, la star de ce style musical original, qui se distingue par son ton libre et ses satires sociales, est le groupe Bana Lupemba, conduit par le chanteur Djino Kodja.
La jeunesse katangaise aime aussi le ndombolo (danse congolaise), sans oublier le rap, dont Lubumbashi est l’un des fiefs en RD Congo. Ses têtes d’affiches sont RJ Kaniena, 9 A, John Livingstone, le groupe Lafraz et Joe Kyzi, dont la musique est un mélange de R’nB, de folk et de samba. Quant à Sando Marteau, il a repris le flambeau de la ballade katangaise.
Nés à l’époque coloniale et liés aux grandes entreprises établies au Katanga, les arts de la rue sont une autre tradition de la capitale provinciale. « Dans le passé, la Gécamines [Générale des carrières et des mines] et la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) ont encouragé leurs employés à s’organiser en associations et clubs culturels. Cette tradition de plus d’un siècle d’existence s’est perpétuée », explique Dominique Maillochon, directeur de l’Institut français de Lubumbashi/Halle de l’étoile. De fait, la ville foisonne de fanfares, de troupes d’acrobates, de comédiens et de danseurs dont les performances rivalisent de qualité, même si certaines ne sont pas assez professionnalisées pour concevoir et monter de véritables spectacles.
La plus célèbre et la plus ancienne troupe est celle des Bana Mampala (« les enfants du terril », en swahili), une association fondée en 1982 par des employés de la Gécamines. Les saynètes de ces agiles troubadours capables de construire des pyramides humaines de plusieurs mètres de haut remportent toujours un franc succès à Lubumbashi et à l’étranger, où la troupe se produit régulièrement. Elle fait des émules, comme le cirque Milco et le groupe Mutoto Chaud.
Picha, comme une image
Dirigée par Patrick Mudekereza, qui l’a créée en 2008, l’association Picha (« image », en swahili) met l’accent sur la formation et l’ancrage de la création dans son environnement. Centre artistique financé par des fondations privées et publiques, dont des institutions de coopération, Picha anime des ateliers de photographie, littérature et management culturel, produit quelques musiciens et organise des expositions (principalement d’art contemporain), concerts et projections de films. L’association, qui a déjà participé à diverses manifestations en Belgique et en France, interviendra prochainement en Allemagne, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud.
La troisième édition de la biennale Picha, consacrée à la photographie et à la vidéo, se tiendra en octobre prochain à Lubumbashi, sous la direction artistique d’Elvira Dyangani Ose, conservatrice d’art international au Tate Modern de Londres.
Quant au théâtre, il aurait fait ses premiers pas dans le pays à Lubumbashi avant de gagner Kinshasa… C’est un Lushois qui le dit. Force est de reconnaître l’engouement pour cet art dans la capitale katangaise, où presque chaque école a sa propre troupe. Si elle reste largement le jeu d’amateurs, la scène lushoise compte quelques professionnels de talent, à l’instar de Gody Ngosa, artiste accomplie et complète, puisqu’elle est à la fois comédienne, danseuse, chorégraphe, acrobate et circassienne (membre de la troupe du Milco). Un nouveau souffle s’est par ailleurs levé ces dernières années, porté par un courant plus créatif et plus professionnalisé, qui a vu l’émergence de compagnies telles que Mulao, La Seringue ou Licogri, et d’auteurs comme Célestin Kasongo, dont la pièce Tour de contrôle a été publiée en 2011 chez Lansman Éditeur, le numéro un de l’édition belge en matière de théâtre francophone.
Palette culturelle. La peinture, les arts plastiques et l’image tiennent eux aussi une bonne place dans la palette culturelle de Lubumbashi. Contrairement aux autres artistes, pour la plupart autodidactes ou formés sur le tas, les plasticiens ont leur école : le célèbre Institut des beaux-arts, dirigé par l’artiste Séraphine Mbeya Nawej Matemb. Outre cette dernière, les peintres les plus connus de l’école lushoise, dont la notoriété dépasse les frontières du Katanga et même du pays, sont Mbaya, Kiat, Kabeya et Mastaky – généralement d’anciens élèves de l’Institut qui y enseignent aujourd’hui -, et, dans la jeune génération, Mulume. La photographie est représentée par Gulda El Magambo et la sculpture par Manda (dont certaines oeuvres ornent des places de Lubumbashi), Maseka (célèbre pour ses figurines en terre cuite) ou encore Viviane Kawanga (spécialisée dans la céramique).
Le théâtre aurait fait ses premiers pas dans la cité katangaise avant de gagner Kinshasa.
Tous ces talents ne pourraient briller sans un public et, donc, des espaces culturels. Pour ce qui est du passé, il y a le Musée national de Lubumbashi, créé en 1936, qui, outre les visiteurs habituels, accueille de nombreux scolaires et organise, en partenariat avec le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (Belgique), des visites et des ateliers gratuits pour les jeunes des milieux défavorisés. L’occasion pour ces derniers de découvrir le patrimoine historique et culturel du pays et de s’ouvrir aux problématiques actuelles, tel l’environnement.
Public. Côté contemporain, les peintres et plasticiens s’exposent surtout à l’Institut des beaux-arts (qui s’est doté de sa propre salle d’exposition), chez Picha ou à la galerie Dialogues. La plupart des spectacles, ainsi que quelques expositions, sont organisés par La Halle de l’étoile. Après être restés longtemps l’apanage du Park Hôtel et du Riviera, les concerts live se multiplient en fin de semaine dans différents établissements, tel le Grand Karavia, où se produit régulièrement le groupe Manus, et dans les restaurants, en particulier le Twenty One.
D’autres lieux accueillent un public plus populaire, notamment le foyer des jeunes de la commune de Ruashi, l’espace Ynyanga, la Maison de Safina (une association culturelle et chrétienne de la congrégation salésienne) et les salles de spectacle des maisons des jeunes tenues par des prêtes catholiques. Sans oublier le stade de la Kenya et ses 32 000 places, utilisé pour les très grands concerts, notamment ceux des vedettes de Kinshasa et des stars internationales.
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