Chine : l’empire du « milieu »

Les affaires de corruption à grande échelle impliquant des dirigeants du Parti communiste ou des hauts fonctionnaires se multiplient en Chine. Au point de menacer la stabilité du pays.

Bo Xilai entouré de sa femme Bo Guagua et de son fils étudiant aux États-Unis. © Eyepress/Sipa

Bo Xilai entouré de sa femme Bo Guagua et de son fils étudiant aux États-Unis. © Eyepress/Sipa

Publié le 31 mai 2012 Lecture : 2 minutes.

Le document a fait l’effet d’une bombe. Soixante-sept pages d’accusations solidement étayées rassemblées par les équipes chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent au sein de la Banque centrale de Chine. Qu’y découvre-t-on ? Qu’entre le milieu des années 1990 et 2008, dix-huit mille fonctionnaires ont fui le pays avec l’équivalent de 100 milliards d’euros ! Certains ont emporté avec eux des valises bourrées de cash, d’autres ont monté des sociétés-écrans. C’est notamment le cas de Bo Xilai, l’ancien chef du Parti communiste de Chongqing, dont la famille est parvenue à placer plus de 100 millions d’euros dans divers paradis fiscaux, alors que lui-même ne gagnait, officiellement, que 1 000 euros par mois.

« Ces affaires de corruption à grande échelle et l’importance des sommes détournées constituent une menace directe pour la stabilité du pays et sapent les fondements du Parti communiste », peut-on lire dans ce document. « La corruption va détruire le parti, confirme Minxin Pei, un professeur de sciences politiques. Mais attention : le remède risque d’être mortel. Car lutter contre ce mal endémique reviendrait à mettre en cause le système politique lui-même. Quel contre-pouvoir ? Quelle justice ? Rien n’est prévu pour contrebalancer la toute-puissance du parti et le sentiment d’impunité de ses responsables. » 

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Quasi mafieux

Avant Bo Xilai, d’autres figures importantes du parti ont été limogées : un ancien ministre des Chemins de fer, un juge à la Cour suprême, des milliers de cadres locaux et régionaux… « Dans de nombreuses villes chinoises, et même à Pékin, on peut parler d’État quasi mafieux, ou, au moins, de capitalisme clanique, explique la sinologue Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), à Paris. Par principe, quand on est dans les affaires, on est corrompu. Au sommet, les grandes familles se partagent les secteurs clés de l’économie. Celle de l’ancien Premier ministre Li Peng a par exemple pris le contrôle du très important secteur de l’énergie hydraulique… »

Entre le milieu des années 1990 et 2008, 100 milliards d’euros de fonds publics détournés.

Plus la Chine s’enrichit, plus ses dirigeants se montrent gourmands. Les inégalités augmentent, et la population gronde. Dans l’ensemble du pays, on recense actuellement près de cinq cents manifestations par jour, souvent provoquées par des affaires de corruption au niveau local : expropriations illégales, abus de pouvoir et détournements d’argent. À en croire une étude du professeur Terry Sicular, de l’Université de l’ouest de l’Ontario, la Chine est le pays le plus inégalitaire d’Asie. De ce point de vue, elle se classe au 121e rang mondial (sur 215 pays étudiés), au même niveau que la Namibie ou la République dominicaine.

Internet et son demi-milliard d’utilisateurs chinois constituent une formidable caisse de résonance. Les photos de la jeune maîtresse d’un cadre local du parti frimant à bord d’une voiture de sport ont récemment fait le tour du Net. L’homme a dû démissionner. Même chose pour l’ancien patron d’une grande entreprise d’État, accusé d’organiser des parties fines dans de grands hôtels de la capitale.

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Depuis quelques mois, des internautes malicieux s’amusent à recenser les montres suisses, les costumes italiens et les sacs siglés de leurs dirigeants. Les photos sont postées sur internet.

Aucun homme politique ne semble désormais à l’abri du scandale. Lors du prochain plénum du mois d’octobre, il faudra un peu plus que des déclarations d’intention pour redorer le blason du Parti communiste. 

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