Législatives tunisiennes, nouvelle abstention record

De 11,2 % seulement au premier tour, le taux de participation au second tour des législatives ce dimanche n’était que de 11,3 %. Le divorce entre les Tunisiens et leurs dirigeants semble consommé.

Des membres de l’Isie avant le dépouillement des votes, à Tunis, le 29 janvier 2023. © Mohamed Krit/Sipa USA/SIPA

Publié le 30 janvier 2023 Lecture : 3 minutes.

Tous les arguments que le pouvoir avait avancés pour justifier le niveau extrêmement bas de la participation au premier tour des législatives, le 17 décembre 2022, ne tiennent plus. C’est d’abord cela que le second tour, qui s’est tenu ce dimanche, vient de confirmer avec un taux de participation (11,3 %) tout aussi bas que celui du mois précédent (11,2 %).

Un revers prévisible, et même garanti au vu de la dégradation du quotidien des Tunisiens. « Aucune raison d’aller voter pour des dirigeants qui sont sourds aux revendications réelles d’une population qu’ils affament en multipliant les défaillances », lance, amer, Abdeljalil, qui déambule au marché Lafayette à deux pas de son bureau de vote.

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L’Isie tente de masquer le flop

Ces résultats étaient donc escomptés. Pourtant, la journée a été houleuse. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a tenté d’obérer la tenue du scrutin en empêchant les médias d’accéder aux bureaux de vote et en s’abstenant de communiquer les chiffres de la participation aux observateurs électoraux, tels que le réseau Mourakiboun. Le sentiment de malaise n’a cessé de croître, d’autant que l’Isie s’est enferrée dans une série d’arguments et de lectures acrobatiques pour masquer le flop.

Une situation rendue plus confuse par la piètre tentative de gonfler artificiellement le taux de participation en produisant en même temps deux pourcentages : celui de la participation du corps électoral, comme le veut la norme, et celui tenant compte uniquement des électeurs inscrits volontairement au registre électoral. En écartant de fait les nouveaux électeurs – la plupart des jeunes devenus majeurs, inscrits automatiquement –, « l’Isie trompe son monde », accuse un électeur qui a diffusé le hashtag « Isie cesse de mentir », diffusé dès l’annonce des premières estimations de fréquentation des bureaux de vote à 10 heures, le 29 janvier.

En fin de journée, Farouk Bouasker, président de l’instance, s’est résolu à annoncer, sans aucun commentaire, le chiffre de la participation. L’un des taux les plus bas enregistrés à des législatives dans le monde. Il ne pourra pas arguer, comme il l’a fait en décembre, d’un mauvais comptage des bulletins pour afficher 3 % de mieux que les 8,2 % annoncés à la fermeture des bureaux. Dans tous les cas, l’abstention l’a emporté.

Dégradation de la note souveraine par Moody’s

Mais en réalité, ce résultat sera sans incidence sur une Assemblée qui siègera, après épuisement des recours, le 4 mars, sans avoir vraiment besoin d’un soutien populaire. Elle ne fera pas d’ombre aux décisions de Carthage car conformément à la révision constitutionnelle de 2022, son rôle consistera essentiellement à entériner les dispositions prises par le président Kaïs Saïed.

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Un rôle qu’il sera d’ailleurs compliqué de jouer : aux termes des nouveaux textes, le Conseil des régions est censé être associé aux décisions de l’Assemblée, mais il n’est à ce jour pas installé, et son financement n’est même pas prévu au budget 2023.

L’heure est plutôt au bilan de la séquence électorale, voulue par le président, qui s’achève. Entre le référendum et les législatives, elle aura coûté plus de 20 millions d’euros, selon le porte-parole de l’Isie, Mohamed Tlili Mnasri, qui avait communiqué ce chiffre en octobre dernier. Sur un plan plus politique, le scrutin législatif exprime et confirme un rejet de l’opinion qui était déjà perceptible lors du référendum du 25 juillet 2022 et du premier tour des législatives.

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Trois ans après la présidentielle de 2019, qui avait vu 2 777 931 voix se porter sur Kaïs Saïed, ils n’étaient plus que 887 638 à avoir pris la peine de voter ce dimanche. À cela viennent s’ajouter la mise à l’écart des formations politiques et l’absence d’écoute à l’égard de la société civile. « Les répercussions vont se faire sentir dans les semaines à venir », avertit un politologue qui rappelle le peu de cas que semble avoir fait le gouvernement de la dégradation, à la veille des élections, de la note souveraine de la Tunisie (à Caa2 avec perspectives négatives) par l’agence Moody’s. Le président Saïed se trouve maintenant à la croisée des chemins : il peut encore choisir une voie inclusive et endosser les habits d’un président fédérateur. Ou persister à vouloir pour le peuple ce que celui-ci ne veut pas et n’a pas réclamé.

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