La (mauvaise) blague allemande qui froisse l’Afrique
Le porte-parole de l’Union africaine dénonce une plaisanterie du ministère allemand des Affaires étrangères sur le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et la faune africaine…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 janvier 2023 Lecture : 2 minutes.
La diplomatie internationale vole de moins en moins haut. Les politiciens spécialistes de géopolitique n’ont-ils pas mieux à faire, en ces temps troublés, que de s’écharper sur des plaisanteries vaseuses ? La dernière blague militaro-explosive du landerneau diplomatique avait tout pour rester un “private joke”, une galéjade d’initié. Mais un community manager du ministère allemand des Affaires étrangères a tenu à partager, sur Twitter, sa raillerie aux airs de clash…
Le rapprochement de deux évènements est le ressort comique du pauvre. L’auteur du tweet polémique entreprend de télescoper deux actualités : la visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à plusieurs pays africains et la décision allemande, annoncée le 25 janvier dernier, de livrer quatorze chars de combat Leopard 2 de type 2A6 en Ukraine. « Le ministre russe des Affaires étrangères #Lavrov est en Afrique, non pas pour voir des léopards (mot représenté par un emoji) mais pour affirmer sans ambages que les partenaires de l’#Ukraine “veulent détruire tout ce qui est russe” », tweete le ministère allemand des Affaires étrangères. Les Afrophiles s’insurgent…
L’UA monte au front
The Russian Foreign Minister #Lavrov is in Africa, not to see 🐆, but to bluntly claim that #Ukraine’s partners “want to destroy everything Russian”. Here is a 🧵 with all of his “evidence”: 1/3
— GermanForeignOffice (@GermanyDiplo) January 24, 2023
La porte-parole du président de la Commission de l’Union africaine (UA) s’interroge sur le même réseau social : « Le continent africain, ses habitants et sa faune ne sont-ils qu’une blague pour les Allemands ? » Ebba Kalondo demande si la récente visite de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock au siège de l’UA, en Éthiopie, avait pour objectif de « voir des animaux ». Plus virulente, Zainab Usman, directrice du programme Afrique au centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, juge inélégant le tweet allemand qui charrie des « stéréotypes horribles sur l’Afrique », lesquels clichés devraient empêcher Berlin de « gagner des amis africains ».
Rapidement, le ministère allemand des Affaires étrangères se déclare « désolé » par cette « interprétation » de son tweet qui n’aurait été « en aucun cas destiné à offenser » quiconque mais à dénoncer « les mensonges que la Russie utilise pour justifier sa guerre d’agression » en Ukraine.
Susceptibles, les responsables africains ? Associer à un trait d’humour raté des intentions afrophobes est peut-être aller vite en besogne. Tout juste pourrait-on se demander quelle mouche a piqué la République fédérale d’Allemagne, le jour où elle a baptisé son char de combat du nom d’un animal exclusivement présent en Afrique et en Asie du Sud-Est. Appropriation culturelle ? La prochaine fois que l’Allemagne baptise ses engins de guerre « sanglier », « aigle royal » ou « raton laveur ». Et qu’elle évite de plaisanter sur les conflits armés qui font tant de victimes civiles…
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