Maroc : d’une cellule terroriste à l’autre
Après le démantèlement d’un nouveau réseau djihadiste, la police n’en finit plus de fouiller dans l’histoire trouble de l’islamisme radical marocain.
Vendredi 11 mai. Une semaine après l’opération de police qui a permis de saisir des armes à Tiflet et Sbaa Aioun (près de Meknès), le ministère marocain de l’Intérieur communique. La conférence de presse improvisée se tient dans les bureaux de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), à Casablanca. L’institution n’a pas le goût des flashs. Son patron, qui vient de faire la une de TelQuel, reste un homme discret. De sa voix grave, Abdelhak Khayyam détaille la traque que vient de conclure la fine fleur de la police. La BNPJ a « démantelé » une nouvelle cellule terroriste. Khayyam exhibe, devant les objectifs de la presse, l’arsenal saisi : quatre pistolets mitrailleurs, trois pistolets automatiques, des munitions.
Acheminées depuis la Belgique, ces armes de guerre ont été « introduites sur le territoire par les membres du réseau terroriste connu sous le nom de Mouvement des moudjahidine au Maroc ». Quinze personnes ont été arrêtées, et la police a saisi de l’argent liquide (en dirhams et en euros). Le butin paraît presque banal. Depuis dix ans, les opérations de police contre des cellules terroristes sont devenues monnaie courante. Rien qu’en 2010, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a annoncé à quatre reprises le « démantèlement de réseaux terroristes ». En janvier 2011, les services de sécurité établissaient pour la première fois un lien avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans le Sahara occidental, grâce à la découverte à Amgala d’un stock d’armes impressionnant : 33 kalachnikovs, 4 lance-roquettes, 3 pistolets-mitrailleurs.
L’émir aux yeux bleus retrouve le christ
Aux dernières nouvelles, il aurait renoué avec la foi catholique. Pierre Richard Antoine Robert a fêté ses 40 ans dans sa cellule de la prison de Salé, le 30 janvier. Les médias du royaume lui ont trouvé un surnom poétique : l’Émir aux yeux bleus. Arrêté en juin 2003, quelques jours après le quintuple attentat de Casablanca (45 morts), ce militant français a été condamné, en septembre 2003, à la prison à perpétuité pour son implication dans des activités terroristes. Beaucoup pensent qu’il n’a échappé à la peine capitale requise par le parquet qu’en raison de son nom et de sa nationalité. Ce converti, né dans la région de Saint-Étienne, avait pris le nom de Yaqoub. Après la découverte du soufisme à Konya (Turquie), il se tourne vers le salafisme, se marie avec une Marocaine, s’installe à Tanger. C’est là que Hadj Abou Abderrahmane (son nom de guerre) aurait réuni ses lieutenants, qui le font « émir ». La police marocaine croit savoir qu’il aurait été en contact avec Mohamed Nouggaoui, le chef du Mouvement des moudjahidine.
La cellule de Tiflet plonge ses racines dans l’histoire tumultueuse de l’islamisme violent marocain. La police assure détenir les preuves du lien entre les dernières découvertes et d’anciennes affaires, notamment avec Abdelkader Belliraj, le militant (et agent double ?) longtemps installé en Belgique. Condamné à la prison à vie en 2008, il a vu sa peine confirmée en 2010, et attend depuis quelques mois un procès en cassation. Surtout, la traque qui s’achève remonte à 2003. À l’époque, explique le commissaire Boubker Sabik, chef de division de la répression de la criminalité transfrontalière à la DGSN, la police avait arrêté Mohamed Nouggaoui, considéré alors comme l’émir national du Mouvement des moudjahidine au Maroc. Ses aveux avaient conduit les enquêteurs à deux caches d’armes à Tanger et à Tafouralt (Nord-Est). Le reste était entre les mains d’un dénommé Ali Bousghiri, recherché depuis. Son cadavre vient d’être découvert dans le cadre de la présente enquête. Mort en 2009 des suites d’un cancer, il aurait été enterré par ses compagnons d’armes, à la tête desquels Abdelaziz Soummah, la grosse prise du 5 mai. De ce personnage, on sait peu de chose. Comme si la BNPJ voulait encore faire durer le suspense.
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