Ainsi va l’Algérie
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 22 mai 2012 Lecture : 2 minutes.
Indéchiffrable, paradoxale, sujette aux accès de colère comme à la sclérose, tantôt rebelle, tantôt patiente, souvent critique vis-à-vis de ses dirigeants mais toujours patriote. On attendait un raz de marée islamiste, on a assisté à une déferlante nationaliste. Tout le monde a en effet oublié que les fondamentalistes algériens n’ont rien à voir avec leurs homologues du Maghreb. D’abord, parce que la décennie noire a évidemment marqué les esprits. Ensuite, parce que lesdits islamistes, pour les principales formations, ont été très tôt associés au pouvoir, ont occupé des postes de ministre, de député ou de maire et n’ont pas toujours brillé par leur probité ou leur bilan.
Et maintenant ? Les Algériens ne croient plus ni dans leur classe politique ni dans la démocratie, dont on leur rebat les oreilles depuis la fin des années 1980. À force de leur parler de la souveraineté du peuple et de leur seriner des odes à la gloire des multiples élections censées aboutir à la prise en compte de leur bien-être et de leurs libertés, ils ont fini par ne plus croire en rien. Dans l’imaginaire collectif, tout cela est une vaste mise en scène. Les Algériens n’attendent plus grand-chose de ceux qui leur promettent la lune à longueur de consultations… pour s’éclipser ensuite. Qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, ils représentent à leurs yeux une vaste mafia qui se partage prébendes et manne pétrolière. Si un Gandhi ressuscité ou un Mandela prenaient la nationalité algérienne et leur promettaient le changement, ils n’y croiraient toujours pas…
L’Algérie n’est pas simple à appréhender, ni à gouverner d’ailleurs. Elle est polymorphe et traversée de multiples fractures : entre jeunes et vieux, hommes et femmes, habitants de l’Est, de l’Ouest, du Nord ou du Sud, Arabes et Berbères, riches et pauvres, ceux qui y vivent et ceux qui font partie de la diaspora, islamistes et laïques. Sa base est donc disparate, autant que le sommet, ces piliers de ce que tout le monde appelle « le système ». Bouteflika aura mis treize ans pour, progressivement, relever une nation à genoux, martyrisée et exsangue, et lui assurer stabilité et paix, mais aussi développement, même si, sur ce dernier point, cela confinait parfois au remplissage du tonneau des Danaïdes. C’est beaucoup, mais aussi bien peu pour tous ceux qui espèrent toujours vivre plutôt que survivre. Pour ceux aussi qui ne supportent plus les tabous pesants de la société algérienne, laquelle peine à se débarrasser d’un conservatisme étouffant, alors que les paraboles déversent à longueur de journée les images fantasmagoriques d’un autre monde, prospère, ouvert, accueillant. Bouteflika a assumé, malgré les difficultés, la maladie et ses adversaires, son rôle : assurer la transition entre l’Algérie d’hier, chaotique, et celle de demain, pleine de promesses. La prochaine révision de la Constitution tracera l’avenir politique du pays et portera évidemment son empreinte. Mais ceux qui lorgnent sa succession savent-ils seulement ce qui les attend ?
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