Syrie : petits arrangements entre parias
Comment l’Iran aide-t-il la Syrie à exporter son pétrole, en dépit des sanctions internationales ciblant les deux pays ?
Visé depuis trente ans par un vaste arsenal de sanctions, l’Iran est passé maître dans l’art de déjouer les embargos et met son expertise au service de son allié syrien Bachar al-Assad, lui-même soumis à des sanctions paralysantes depuis qu’il a choisi de réprimer dans le sang la contestation née en mars 2011.
L’exportation d’or noir représentait avant le soulèvement 20 % du PIB de la Syrie, et la suspension des achats de l’Union européenne a durement touché son économie. Mais Damas parvient néanmoins à vendre son pétrole grâce à l’aide de l’Iran et à un stratagème que révèle le Financial Times dans son édition du 18 mai. De la côte syrienne jusqu’à l’île iranienne de Larak, dans le détroit d’Ormuz, le quotidien britannique a suivi la piste du MT Tour, pétrolier de la compagnie d’État Islamic Republic of Iran Shipping Lines. Par un jeu de changements de pavillon et de sociétés-écrans, le navire, gorgé de pétrole pour une valeur estimée à 100 millions de dollars (environ 78 millions d’euros), est parvenu à déjouer la vigilance des gendarmes internationaux.
Jeu de pistes
Le périple commence à Tartous, sur la côte syrienne, où le MT Tour s’amarre le 23 mars. Il bat alors pavillon maltais, mais les autorités du registre maritime de l’île européenne flairent le trafic et suspendent son agrément. Cela ne l’empêche pas de se diriger vers un autre port syrien, Banias, où il remplit ses cuves vides avec du brut.
Brouillant les pistes, il hisse alors un pavillon de complaisance bolivien et passe sous la propriété d’Auris Marine Company, une société-écran enregistrée aux îles Marshall. La ruse lui permet d’emprunter paisiblement le canal de Suez. Parvenu dans le golfe d’Aden, le MT Tour coupe son système de localisation le 9 avril pour ne le réactiver que le 13 avril, dans le golfe d’Oman. Il poursuit sa route vers les eaux iraniennes du détroit d’Ormuz, où il finit par jeter l’ancre.
Le 17 mai, la précieuse cargaison était encore dans les cuves du tanker et elle devrait trouver acheteur sur les marchés de Chine, d’Inde, de Corée du Sud ou du Japon, pays qui continuent d’importer du pétrole d’Iran en dépit des sanctions.
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