Fin de partie pour Edgar Alain Mebe Ngo’o, ancien ministre de Paul Biya

L’ancien tout-puissant ministre de la Défense, autrefois pilier du régime de Paul Biya, a été condamné à trente ans de détention pour détournement de deniers publics. Son épouse, Bernadette Minla Nkoulou, et leurs trois coaccusés écopent eux aussi de lourdes peines de prison.

Edgar Alain Mebe Ngo’o. Edgar Alain Mebe Ngo’o © Fernand Kuissu

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 1 février 2023 Lecture : 4 minutes.

En détention depuis 2019, Edgar Alain Mebe Ngo’o a été condamné dans la nuit du 31 janvier à trente ans d’emprisonnement par le Tribunal criminel spécial (TCS). L’ancien ministre de la Défense de Paul Biya, qui passait pour un pilier du régime, a été reconnu coupable de quatre des cinq chefs d’accusation retenus contre lui, à savoir le détournement de 23 milliards de F CFA, le blanchiment aggravé de capitaux, la prise d’intérêt et la corruption.

Un impressionnant patrimoine

S’il a été acquitté dans l’accusation de violation du code des marchés publics, dont le préjudice pour l’État était estimé à 196,8 milliards de F CFA, sa peine a cependant été assortie d’une confiscation de son impressionnant patrimoine, qui comprend notamment 53 immeubles, 21 comptes courants – sur lesquels plus de 300 millions de F CFA ont été trouvés – et 39 véhicules et engins lourds.

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Son épouse, Bernadette Minla Nkoulou, qui avait été arrêtée en même temps, a été reconnue coupable du détournement de 5 milliards de F CFA et de prise d’intérêt. Elle a pour cela été condamnée à dix ans de prison.

Maxime Leonard Mbangue, inspecteur du Trésor et ex-conseiller technique au ministère de la Défense, et le colonel Elie Mboutou, ancien proche collaborateur de Mebe Ngo’o, ont eux aussi été reconnus coupables de détournement de deniers publics – pour des montants respectivement évalués à 6 et 16 milliards de F CFA. Ils ont tous deux été condamnés à vingt-cinq ans d’emprisonnement.

Le dernier des coaccusés, Victor Menye, ancien directeur général adjoint de la Société camerounaise de banque (SCB), a quant à lui été acquitté des accusations de corruption qui pesaient sur lui, mais reconnu coupable de complicité de blanchiment aggravé de capitaux. Il a écopé de neuf ans de détention.

Pourvoi en cassation

À l’issue de l’audience, qui s’est prolongée jusque tard dans la nuit, les avocats de la défense ont unanimement dénoncé les peines prononcées contre leurs clients et annoncé qu’ils allaient se pourvoir en cassation. « L’instrumentalisation de notre justice continue, a regretté Me Pauline Koe, avocate de Mebe Ngo’o. Rien n’a changé. »

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« On a pu voir les grandes difficultés que le ministère public rencontrait pour établir une accusation cohérente, et surtout prouver les éléments qu’il invoquait », a ajouté Me Claude Assira, conseil de Maxime Mbangue. « Nous attendons impatiemment l’étape suivante et espérons que la Cour suprême dira le droit », a conclu Me Bikai, qui conseille Victor Menye.

Tout au long du procès, Edgar Alain Mebe Ngo’o n’a cessé de clamer son innocence. Accusé d’avoir détourné les 196,8 milliards de F CFA dévolus à l’achat de matériel militaire à la Chine, l’ancien ministre de la Défense a réussi à démonter l’accusation en démontrant que le matériel en question avait bel et bien été livré, et que la dette contractée par le Cameroun à cet effet avait été légitimement réglée par la Caisse autonome d’amortissement (CCA).

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Traitement princier

Il n’a cependant pas réussi à convaincre la cour de l’origine de son impressionnante fortune. Sa défense avait pourtant présenté aux magistrats le traitement princier que la législation lui octroyait pour la justifier : « 60 millions par an en frais de souveraineté, 28 millions par an pour l’entretien de son véhicule, 750 000 par an pour celui de son hôtel particulier, 2 millions par mois en tant que président du conseil d’administration de l’EI Forces »… Auxquels s’ajoutaient son propre salaire ainsi que ses frais de mission à l’étranger. Et le tout pendant les vingt et une années que Mebe Ngo’o est resté au gouvernement.

Mebe Ngo’o n’a pas non plus convaincu la cour de la nécessité de confier de nombreuses prestations du ministère de la Défense qu’il dirigeait à la société Limousine Prestige Services, détenue par son épouse – opération à l’origine de l’accusation de prise d’intérêt.

Le principal accusé a bien expliqué que ce choix était « essentiellement sécuritaire », affirmant qu’il répondait à un « besoin d’efficience, de prévention et d’anticipation », dans un contexte marqué par la multiplication des attaques terroristes au Cameroun. « Pour toutes nos cérémonies, j’avais pris l’option de ne faire louer le matériel qu’auprès de Limousine Prestige Services, parce que j’étais en mesure de me porter garant à 100 % des conditions de sécurité », a-t-il expliqué lors de l’audience du 27 août, sans toutefois emporter l’adhésion de son auditoire.

Menacé par Ferdinand Ngoh Ngoh ?

Mebe Ngo’o savait-il que son sort était d’ores et déjà scellé ? Lors de son plaidoyer, le 16 janvier dernier, l’ancien ministre a insisté sur la nature politique de son procès qui, selon lui, serait la vraie motivation de ses ennuis judiciaires, révélant au passage qu’un an avant son interpellation, le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, l’avait menacé, par le biais d’un contact, de l’envoyer en prison. « La menace a finalement été mise à exécution », a-t-il lancé ce jour devant les magistrats.

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