« Colonialisme économique » et « atrocités dans l’Est », le pape François s’indigne en RDC
Le souverain pontife a lancé, ce 1er février à Kinshasa, un « vibrant appel » face aux « cruelles atrocités » perpétrées dans l’Est de la RDC, après avoir célébré une messe pour un million de personnes.
« J’adresse un vibrant appel à toutes les personnes, à toutes les entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en RDC, en la pillant, en la flagellant et en la déstabilisant », a lancé le pape François ce mercredi 1er février au deuxième jour de sa visite en RDC. Il s’est dit « indigné » devant « l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse » du pays, où les violences de groupes armés ont tué des centaines de milliers de personnes et jeté des millions d’autres sur les routes.
Le souverain pontife devait initialement se rendre à Goma, dans le Nord-Kivu, province frontalière du Rwanda en proie à de nombreuses tueries et à la résurgence du M23 qui a conquis au cours des derniers mois de vastes pans de territoire. Mais cette étape, qui figurait dans le voyage prévu en juillet 2022 puis reporté, a finalement été supprimée en raison des risques pour sa sécurité.
Face à la violence inhumaine que vous avez vue de vos yeux et éprouvée dans votre chair, on reste sous le choc
Le pape de 86 ans a toutefois entendu les « souffrances atroces » de quatre victimes dans des témoignages sans filtre décrivant « des gens découpés, des femmes éventrées, des hommes décapités », tandis que des femmes exhibaient leurs bras mutilés devant le regard ému du pape. Emelda M’karhungulu a raconté les « maltraitances » qu’elle a subies pendant trois mois comme « esclave sexuelle ». « Des fois, ils mélangeaient les têtes des gens dans la viande des animaux. C’était notre nourriture quotidienne. »
« Face à la violence inhumaine que vous avez vue de vos yeux et éprouvée dans votre chair, on reste sous le choc. Et il n’y a pas de mots ; il faut seulement pleurer, en restant silencieux », a répondu le jésuite argentin, qui entend attirer l’attention sur les drames frappant certaines « périphéries » du monde.
Liesse populaire et messe géante
Ces témoignages contrastaient avec l’ambiance festive et survoltée de la matinée pendant une messe géante dans la mégapole de quelque 15 millions d’habitants, autre temps fort de cette journée. Plus d’un million de personnes, selon les autorités, ont participé à cette célébration en plein air sur le tarmac de l’aéroport de Ndolo, dans l’est de la ville. La plupart avaient passé toute la nuit sur place.
À bord de sa « papamobile », le pape a salué la foule qui l’a acclamé avec des drapeaux et des chants traditionnels, sous un grand soleil et un important dispositif de sécurité. « Quand le pape (Jean Paul II) est venu pour la première fois c’était de l’histoire, j’avais 15 ans. Aujourd’hui, j’ai 55 ans. Donc assister à une première messe papale est très important », souligne Adrien Louka, espérant un message de « réconciliation » du pape « pour que les pays qui nous entourent nous laissent en paix ».
Peu après son arrivée mardi, Jorge Bergoglio avait dénoncé le « colonialisme économique » qui « se déchaîne » dans ce pays au sous-sol d’une immense richesse et à la terre fertile, mais dont les deux tiers des quelque 100 millions d’habitants vivent avec moins de 2,15 dollars (1,97 euro) par jour.
Très attendu, le pape François avait été accueilli dans la liesse populaire par des dizaines de milliers de personnes le long des grandes avenues de la capitale parées des drapeaux de la RDC, plus grand pays catholique d’Afrique, et du Vatican ainsi que de nombreux panneaux de bienvenue. Il s’agit du quarantième voyage international du chef de l’Église catholique depuis son élection en 2013, le cinquième sur le continent africain. Après Kinshasa, il rejoindra vendredi Juba, capitale du Soudan du Sud, plus jeune État du monde.
(avec AFP)
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