France : Afrique-sur-Seine

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 21 mai 2012 Lecture : 2 minutes.

Les sages des plateaux batékés sont formels : François Hollande est né sous une bonne étoile. Être sorti indemne d’un avion foudroyé et d’une averse de grêle affrontée tête nue au pied de l’Arc de Triomphe, renvoyant ainsi à son prédécesseur les mauvais fétiches qu’il lui avait assurément expédiés, dénote une capacité de résistance hors du commun. De cette journée électrique du 15 mai, qui vit le nouveau président français prendre, non sans rudesse, le pouvoir des mains de Nicolas Sarkozy, l’Afrique retiendra donc ce signe folklorique du destin mais aussi et surtout une petite phrase prononcée vers 14 h 10 aux Tuileries, lors de l’hommage rendu à Jules Ferry : « La défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit, à ce titre, être condamnée. »

Ce propos, aucun des six précédents chefs d’État de la Ve République ne l’avait publiquement tenu dans l’exercice de ses fonctions. Du discours de Dakar à celui de Constantine, Nicolas Sarkozy avait certes évolué, passant de l’inacceptable à la dénonciation d’un « système injuste par nature », du fantasme du bon colon à la mise en cause de « l’asservissement » des peuples soumis.

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Mais l’ambiguïté sur ce sujet d’un homme dont on ne se souvient pas qu’il se soit opposé au vote, en 2005, de la loi scélérate sur les « aspects positifs de la colonisation » n’aura cessé de peser tout au long de son quinquennat. François Hollande a donc opéré le 15 mai une double rupture : avec une tradition présidentielle française qui, par conviction, facilité ou opportunisme, a toujours tenté de contourner ce « passé qui ne passe pas » et avec sa propre famille politique, puisque Jules Ferry fut l’un des chantres de la gauche colonialiste.

Si la présence, au sein du nouveau gouvernement, de trois fortes personnalités antillaises très engagées dans le combat mémoriel est une garantie contre les tentations révisionnistes, rien ne prouve encore pourtant que cette petite phrase laisse augurer une refondation de la politique africaine de la France. Sur ce point, autant la « virginité » de François Hollande est a priori une bonne chose, autant l’absence d’une feuille de route précise et réaliste, définissant la relation que le nouvel élu entend instaurer avec le continent, pose un problème de lisibilité. En attendant que l’horizon s’éclaircisse, il faudra donc guetter les arbitrages qui s’opéreront et les anicroches qui surviendront entre un Quai d’Orsay confié au très mitterrandien Laurent Fabius, lequel à peine entré en fonction s’est comme naturellement glissé dans la langue de baobab en usant du « nos amis africains », une Coopération (pardon : un Développement) repeinte aux couleurs de l’altermondialisme écolo et une « cellule dans la cellule » africaine de l’Élysée cent pour cent hollandaise.

À titre préventif, quelques chefs d’État africains ont déjà bouclé leur ceinture de sécurité en scrutant fiévreusement l’apparition d’un visage ami dans le nouveau casting. Réflexe frileux et inutile. Si turbulences il doit y avoir, le seul moyen de s’en prémunir est d’avoir enfin avec la France une relation adulte, sans complexe, d’intérêt à intérêt. En un mot : décolonisée.

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