Festival de Cannes : six Africains sur la croisette

C’est beaucoup plus que d’habitude. Six réalisateurs africains sont présents dans le sud de la France cette année pour participer au grand rendez-vous du cinéma international, le Festival de Cannes. Et l’Afrique du Nord domine, notamment grâce aux très dynamiques productions cinématographiques d’Égypte et du Maroc. Présentation du cru africain 2012 et retour en images sur 60 ans d’Afrique à Cannes.

Six réalisateurs africains sont présents à Cannes cette année. © D.R

Six réalisateurs africains sont présents à Cannes cette année. © D.R

Renaud de Rochebrune

Publié le 16 mai 2012 Lecture : 5 minutes.


 

Moussa Touré : la fierté du cinéma subsaharien

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En compétition pour le film La Pirogue dans la catégorie « Un certain regard »

Entouré de cinq réalisateurs venus du nord du continent, le Sénégalais Moussa Touré présente le seul film subsaharien de la sélection cannoise. La Pirogue, sorti en 2012, raconte la tragédie de l’immigration clandestine, à travers le regard d’un capitaine de pirogue de pêche dakarois chargé de conduire 30 hommes en Europe, leur eldorado. Un film « humain, extrêmement touchant », selon les mots de l’auteur, qui n’en n’est pas à son premier essai.

Moussa Touré a rencontré le monde du cinéma en 1975. À Gorée, sur  le tournage de L’Histoire d’Adèle H., de François Truffaut, le Sénégalais travaille comme… électricien. En 1981, rebelote sur celui de Coup de torchon, de Bertrand Tavernier. Dix ans plus tard, Moussa Touré s’essaie à son premier film, il réalise Toubab Bi. TGV, avec Bernard Giraudeau, suivra en 1997. Le réalisateur n’hésite pas à le dire, La Pirogue aura été le film le plus difficile de sa carrière. Et sera sans doute l’un des moments forts de ce festival, puisqu’il évoque, sans artifices, un drame humain dans lequel l’angoisse et l’émotion dominent.

Yousry Nasrallah : le successeur de Chahine

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En compétition dans la sélection officielle pour le film Après la bataille

Yousry Nasrallah sera le seul cinéaste du continent africain à fouler le célèbre tapis rouge du Festival de Cannes cette année, le 17 mai au soir, afin de concourir avec vingt et un autres réalisateurs de premier plan pour la prestigieuse Palme d’or. Et le deuxième depuis quinze ans, puisque seul le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun – prix du jury en 2010 pour Un homme qui crie – a connu cet honneur en 1997.

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Ce choix des sélectionneurs n’est a priori pas une surprise. Yousry Nasrallah, né en 1952 au Caire, est considéré depuis des années comme le plus doué des cinéastes égyptiens et, à bien des égards, comme le successeur de Youssef Chahine, dont il fut un temps l’assistant (et le coscénariste pour Adieu Bonaparte en 1984 et Alexandrie encore et toujours en 1990). « Le plus brillant », disait son maître en septième art. Ce n’est pourtant pas faire injure à l’auteur de Vol d’été (1988) et de la magnifique Porte du soleil (2004) – une saga racontant à travers l’histoire d’une famille le destin des Palestiniens au XXe siècle – que de penser que le choix de montrer Après la bataille sur le gigantesque écran du Palais des festivals est lié à l’actualité.

Ne manquant ni de verve ni d’humour, comme il l’a montré dans Femmes du Caire en 2010, Nasrallah est en effet un homme de gauche qui est de tous les combats et ne craint pas de prendre des risques. Ainsi fut-il très souvent présent avec sa caméra et son désir révolutionnaire sur la place Al-Tahrir dès le début du mouvement populaire qui a mis à bas le régime Moubarak. Après la bataille n’est autre qu’une fiction dont le personnage central est l’un de ces fameux « cavaliers contre-révolutionnaires » qui, manipulés, avaient attaqué les insurgés lors du soulèvement. Renaud de Rochebrune

Rachid Djaïdani : premier film, premier Cannes

En compétition pour le film Rengaine dans « La Quinzaine des réalisateurs »

Sélectionné dès son premier film, Rengaine, réalisé avec des moyens de fortune, pour la Quinzaine des réalisateurs (la plus importante des manifestations « off » du Festival de Cannes), Rachid Djaïdani (38 ans) n’est pas un inconnu. Né de père algérien et de mère soudanaise, il abandonne rapidement les études pour travailler sur des chantiers comme maçon. À 20 ans, il découvre le cinéma sur le plateau de La Haine (1995), de Mathieu Kassovitz, où il est employé comme… vigile. C’est cependant par la littérature qu’il se fait d’abord un nom. Il publie entre 1999 et 2007, aux éditions du Seuil, trois romans dont les titres sont parlants : Boumkoeur, Mon Nerf et Viscéral. Rengaine, l’histoire d’une union contrariée entre une jeune Maghrébine encombrée de nombreux frères et un Noir, en banlieue parisienne, devrait confirmer sur le grand écran l’avènement d’un auteur de tempérament aux multiples talents. R.R.

Merzak Allouache : les remords du djihadiste

En compétition pour le film Le Repenti dans « La Quinzaine des réalisateurs »

Trente-cinq ans après sa première apparition sur la Croisette avec sa comédie Omar Gatlato, le prolifique réalisateur algérien Merzak Allouache, 67 ans, revient avec Le Repenti, qui sera présenté en avant-première mondiale. Son film est d’ailleurs le seul long-métrage africain présent cette année à la Quinzaine des réalisateurs. Dans la région des Hauts Plateaux, en pleine terreur islamiste, un jeune djihadiste repenti regagne son village. Selon la loi « de pardon et de concorde nationale », il restitue son arme, mais il va vite apprendre qu’il est difficile de s’absoudre de ses crimes… Après le grand succès en France de Chouchou (2003), Merzak Allouache n’a jamais oublié son pays, et l’Algérie tient une place centrale dans son oeuvre. Dans Normal !, sorti en mars, il dressait le portrait d’une jeunesse algérienne désillusionnée et aspirant à la liberté, à travers l’histoire d’un jeune cinéaste confronté à la censure. Justine Spiegel

Nabil Ayouch : en tandem avec Mahi Binebine

En compétition pour Les chevaux de Dieu dans la catégorie « Un certain regard »

Comment des jeunes désoeuvrés ayant grandi dans l’immense chaos de Sidi Moumen se sont-ils transformés en kamikazes ? Le cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch, 43 ans, porte sur grand écran l’histoire de ces enfants perdus, auteurs des attentats de Casablanca en 2003, dans Les Chevaux de Dieu. Adaptation du roman Les Étoiles de Sidi Moumen, de Mahi Binebine, son quatrième long-métrage, tourné entre Casablanca et Mohammedia et primé au Festival national du film de Tanger en 2011, sera présenté dans la sélection officielle, dans la catégorie Un certain regard. Né d’une mère juive française et d’un père marocain musulman, Nabil Ayouch a grandi à Sarcelles, en banlieue parisienne. Dans son premier documentaire, My Land, sorti en février, c’est d’ailleurs à partir de ses souvenirs d’enfance qu’il s’interroge sur le conflit israélo-palestinien. Premier réalisateur à avoir représenté le Maroc aux Oscars – avec son premier film, Mektoub (1999), puis avec Ali Zaoua (2001) -, Nabil Ayouch oeuvre aussi à la promotion de jeunes talents marocains avec sa société, Ali n’ Productions. J.S.

Fyzal Boulifa  : court mais dense

En compétition pour le film The Curse dans « La Quinzaine des réalisateurs »

Déjà auteur de trois courts-métrages remarqués, notamment Whore, primé à l’East End Festival de Londres en 2010, ce jeune cinéaste britannique d’origine marocaine présentera le quatrième, The Curse, tourné dans le royaume chérifien, à la Quinzaine des réalisateurs, une sélection qui a souvent révélé de futurs grands du septième art. Le scénario, dont Fyzal Boulifa est également l’auteur, laisse imaginer un petit film intense : la jeune Fatine rencontre régulièrement son amant loin à l’écart du village, mais un jour sa vie secrète est éventée par un petit garçon qui la surprend, et elle s’enfuit… R.R.

© Hassan Ouazzani pour J.A.; Sipa press; Erick Ahounou pour J.A., Philippe Guilbert; D.R

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