Tunisie : des fournisseurs dans la tourmente
Pilier de l’industrie automobile de Tunisie, le secteur du câblage a été secoué par la montée des revendications sociales. Crise mondiale oblige, il risque en outre de réduire la voilure cette année.
Automobile : l’Afrique dans la course
Proximité avec l’Europe, incitations aux investissements, avantages fiscaux, main-d’oeuvre qualifiée et bon marché ont fait de la Tunisie un incontournable du câble. La Tunisie produit 5 % des besoins du marché mondial. Quelque 29 câbleries – dont 26 totalement exportatrices – y emploient plus de 25 500 personnes. Leoni, Yazaki, Sumitomo Electric Bordnetze, Delphi, Dräxlmaier, Coroplast, Cablelettra… Tous les équipementiers de renom du câblage ont investi en Tunisie, avec pour clients les plus grands constructeurs automobiles basés principalement en Europe. Stimulée par une demande étrangère soutenue, l’industrie tunisienne du câblage automobile a donc longtemps témoigné d’une baraka insolente… jusqu’à ce qu’elle se heurte à la révolution et à la crise mondiale.
De fait, il est fini le temps où les entreprises du secteur, généralement implantées dans des régions intérieures pauvres où le taux de chômage atteint les 40 %, pouvaient imposer leurs conditions comme bon leur semblait. Depuis le 14 janvier 2011, leurs sites de production font face à des troubles sociaux. Grèves et blocages les ont contraintes à revoir leur stratégie en matière de ressources humaines.
Chez Coficab, filiale du tunisien Elloumi et leader du marché, la direction s’est très vite mise à l’écoute des ouvriers, évitant la crise interne. L’entreprise consolide par ailleurs son positionnement international avec des sites de production au Maroc, au Portugal, en Roumanie et au Brésil, tout en incitant ses fournisseurs à s’installer près de ses sites tunisiens afin d’optimiser la gestion et la logistique des achats.
Débrayages en chaîne chez les câbleurs
À Mateur, l’allemand Leoni, repreneur de l’activité câblage du français Valeo et pourvoyeur de 14 000 emplois, a dû concilier débrayages et respect de son carnet de commandes, tout en faisant face à une hausse des coûts de production liée à la forte pression syndicale qui exigeait la titularisation d’ouvriers intérimaires.
La crise économique mondiale a elle aussi beaucoup pesé sur le secteur, avec comme conséquence un recul de 11,9 % de l’activité des industries mécaniques et électriques en raison de la baisse de la demande extérieure. « Le volume des commandes a baissé de près de 8 % en trois mois. Nous sommes contraints de produire à plus petite échelle pour des commandes de dernière minute », explique un chef de ligne de Dräxlmaier à Sousse. Le Vieux Continent étant le premier donneur d’ordre de la Tunisie, « la crise européenne affecte beaucoup notre industrie », confirme pour sa part un responsable achats de Sumitomo.
Zizanie chez Yazaki
Avec 2 200 employés sur cinq sites de production dans le bassin minier de Gafsa, Yazaki s’est implanté au coeur d’une poudrière sociale où les syndicats sont aussi vigilants qu’actifs. La révolution a dévoilé les bas salaires pratiqués par le groupe japonais, qui a pris comme prétexte les grèves irrégulières pour menacer d’une fermeture définitive en décembre 2011. « Ces grèves ont eu un impact sur des engagements avec un client important, contraignant le groupe à lui verser des dédommagements et portant préjudice à son image de marque sur le marché », expliquait-on à Yazaki. La menace tenait de la manoeuvre : la restructuration de l’entreprise, à la suite, entre autres, d’une baisse de commandes de Toyota, impliquait la fermeture du site d’Om Larayes (500 salariés). Finalement, le groupe n’a pas quitté la Tunisie : il a même repris trois unités de production du câbleur italien ICV à Bizerte. Il compte par ailleurs se diversifier dans les applications de l’énergie solaire. F.D.
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