Chine : Chongqing, grandeur et décadence

Avec ses 34 millions d’habitants, Chongqing, en Chine, est la première ville du monde. Sa croissance est vertigineuse. Son endettement aussi. La chute de Bo Xilai, son chef, peut-elle remettre en question son modèle de développement ?

Séance de Taï-chi-chuan sur le toi d’un immeuble de la mégalopole. © Alexander F. Yuan/AP/Sipa

Séance de Taï-chi-chuan sur le toi d’un immeuble de la mégalopole. © Alexander F. Yuan/AP/Sipa

Publié le 17 mai 2012 Lecture : 2 minutes.

Mégalopole de 34 millions d’habitants perchée sur un piton rocheux dans un coude du fleuve Yangzi Jiang, la commune de Chongqing est grande comme trois fois la Belgique. Cinq années durant, elle fut dirigée par le charismatique Bo Xilai. L’éviction de ce dernier du comité central du Parti communiste (il est accusé de corruption, et son épouse du meurtre d’un Britannique) peut-elle remettre en question son extraordinaire croissance ?

« Depuis 2007, les investissements étrangers ont été multipliés par dix, explique un fonctionnaire. La croissance économique a été de 17 % en 2010 et de 16,4 % l’an dernier, soit bien plus que la moyenne nationale. » Dans le hall de la mairie trône une gigantesque maquette représentant le Chongqing de demain. On y discerne un opéra à 1 milliard d’euros, des ponts traversant le fleuve en tous sens en remplacement des antiques téléphériques et une forêt de gratte-ciel à Yuzhong, le quartier des affaires, copie conforme de Hong Kong avec ses banques étrangères, ses sièges de grandes entreprises et ses centres commerciaux flambant neufs. En cinq ans, Chongqing a connu une mue assez prodigieuse.

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Ville-montagne

Exit les bidonvilles et les ruelles sombres partant à l’assaut de cette ville-montagne. Place aux autoroutes à six voies, aux immeubles de trente étages et aux enseignes étrangères. Sous l’égide de Bo Xilai, la ville a expérimenté un modèle économique original basé sur des projets d’infrastructures financés par la collectivité et une zone économique spéciale où les taxes sur les entreprises étrangères ne dépassent pas 15 %, soit dix points de moins que dans la capitale.

Pourtant, Chongqing revient de loin. Perdue à la frontière du Sichuan, dans le sud-ouest du pays, la ville fut entre les deux guerres mondiales la capitale de Tchang Kaï-chek, le leader nationaliste. Du coup, elle fut systématiquement négligée par les dirigeants communistes. Les triades, les tristement célèbres mafias chinoises, y régnèrent longtemps sans partage. Quelques mois après son arrivée, Bo Xilai déclencha une croisade de grande envergure contre le crime organisé. Bilan : cinq mille arrestations, des exécutions, un ancien chef de la police débarqué… À l’époque, pour d’évidentes raisons de sécurité, il était contraint de vivre dans une caserne sous la protection de l’armée.

Dans les librairies de Chongqing, les ouvrages à la gloire de Bo sont toujours là, preuve de sa popularité intacte. « Il était immensément riche et probablement corrompu, mais, en Chine, quel homme politique ne l’est pas ? commente un vendeur de journaux. Tout ce que je vois, c’est que notre ville s’est développée et modernisée de manière extraordinaire. Maintenant, il y a du travail pour tout le monde. Les vieux quartiers ont été détruits et nous vivons dans des appartements avec l’eau courante et l’électricité. Pour les gens comme moi, il a fait du bon travail. »

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Quasi-faillite ?

Mais tout n’est pas si rose. À en croire certains économistes, Chongqing est au bord de la faillite. « On se demande combien de temps elle va pouvoir continuer à investir de la sorte », s’inquiète l’un d’eux, qui préfère rester anonyme tant le sujet est sensible. On estime généralement que l’endettement de la municipalité dépasse les 35 milliards d’euros. Mais certains avancent le chiffre vertigineux de 100 milliards ! « La question est maintenant de savoir si elle va pouvoir rembourser ses dettes. C’est d’autant plus essentiel que de nombreuses villes chinoises ont suivi son exemple. »

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