Nationalisations : Kirchner sur les traces de Chávez ?

La nationalisation des filiales de deux groupes espagnols par les gouvernements argentin et bolivien provoque l’inquiétude des investisseurs étrangers, traumatisés par le précédent vénézuélien.

Manifestation devant le parlement à Buenos Aires, le 3 mai. © Daniel Garcia/AFP

Manifestation devant le parlement à Buenos Aires, le 3 mai. © Daniel Garcia/AFP

Publié le 16 mai 2012 Lecture : 2 minutes.

Alors qu’elle traverse une crise économique sans précédent, l’Espagne vient d’encaisser à quinze jours d’intervalle deux mauvais coups dont elle se serait assurément bien passée. Ils viennent d’Amérique du Sud. Le 16 avril, le gouvernement argentin a annoncé de manière inopinée – et sans promesse d’indemnisation – l’expropriation du principal exploitant pétrolier en Argentine, YPF, contrôlé à 57,4 % par le géant espagnol Repsol. Afin de justifier sa décision – confirmée le 3 mai par l’adoption d’une loi -, la présidente Cristina Kirchner a déploré la faiblesse des investissements d’YPF dans l’exploration et la production pétrolières. Elle le tient pour responsable de l’explosion des importations d’hydrocarbures (+ 110 %, soit 7,1 milliards d’euros en 2011), alors que le sous-sol argentin recèle d’immenses ressources.

Protectionnisme

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La nouvelle a provoqué la colère de Madrid – YPF assure à lui seul un tiers des bénéfices de Repsol – et l’inquiétude des investisseurs étrangers. Le continent sud-américain serait-il menacé par une vague de protectionnisme ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais, dès le 1er mai, le président bolivien Evo Morales a, à son tour, annoncé la nationalisation de Transport d’électricité, filiale de Réseau électrique d’Espagne (REE), en raison de l’insuffisance de ses investissements (5 millions de dollars par an depuis 1997). L’entreprise espagnole bénéficiera cependant d’une indemnisation raisonnable.

En Amérique latine, les réactions ont été pour le moins contrastées. Le Mexique, la Colombie et le Chili, pays dirigés par des libéraux, ont ostensiblement pris leurs distances. À l’inverse, le Venezuela, Cuba et l’Uruguay, dirigés par des populistes de gauche dont les orientations anticapitalistes ne sont un secret pour personne, ont applaudi sans retenue. Le gouvernement « bolivarien » de Hugo Chávez avait d’ailleurs ouvert la voie : en treize ans, il a exproprié près de 1 millier d’entreprises. Quant au Brésil et au Pérou, dirigés eux aussi par des gouvernements de gauche mais opposés aux nationalisations, ils s’en sont tenus à de prudentes réactions.

Riposte

Bien entendu, les considérations de politique intérieure ne sont pas absentes des décisions prises par Kirchner et Morales : il est souvent profitable de flatter le nationalisme des populations. Surtout pour le second, confronté à une forte contestation ouvrière. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2006, il annonce d’ailleurs chaque année à l’occasion du 1er Mai une nouvelle vague de nationalisations.

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« Ces mesures auront à moyen terme des conséquences négatives sur le développement économique de l’Argentine et de la Bolivie et sur la garantie des investissements », a réagi Luis de Guindos, le ministre espagnol de l’Économie. Son pays va riposter en réduisant ses importations de biocarburant argentin. Mais un recul global des investissements directs étrangers (IDE) en Amérique du Sud n’est pas à l’ordre du jour. Selon le dernier rapport de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), cette région du monde est celle où les investissements étrangers ont le plus augmenté en 2011 (+ 31 %), pour atteindre 153 milliards de dollars, soit 10 % des flux mondiaux. L’Argentine et la Bolivie ont certes envoyé un signal négatif aux investisseurs, mais ceux-ci peuvent fort bien se tourner vers des pays qui, à l’instar de la Colombie ou du Brésil, offrent de meilleurs cadres juridiques et se montrent peu enclins à nationaliser à tout va.

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