Europe : plébiscite pour la croissance
L’élection de François Hollande à la présidence française, et, plus encore, la victoire des partis antieuropéens aux législatives grecques en témoignent : la politique d’austérité imposée par l’Allemagne et le FMI est de plus en plus largement rejetée.
Lundi 7 mai. En fin de journée, les médias français se sont félicités de la réaction positive des marchés à l’élection de François Hollande à la tête du pays. On avait tellement prédit une dégringolade des cours après l’arrivée au pouvoir du chantre de la croissance que des cocoricos pouvaient résonner pour saluer ce que d’aucuns considèrent comme une première victoire du nouveau chef de l’État face aux défenseurs de l’austérité à tous crins.
Dans les derniers jours de la campagne électorale, l’équipe du candidat socialiste avait cru déceler un frémissement chez les partenaires européens en faveur d’un pacte de croissance. Angela Merkel aurait laissé entendre qu’elle ne fermait pas la porte à des discussions, tandis que Mario Draghi, patron de la Banque centrale européenne (BCE), affirmait que les Européens devaient réfléchir à l’introduction d’une dose de croissance pour contrebalancer l’austérité, leitmotiv des gouvernements du Vieux Continent.
Cette austérité, elle a été imposée de façon drastique aux Grecs, aux Espagnols et aux Italiens, fragilisant non seulement les économies nationales, mais aussi, et surtout, les pouvoirs en place. La solution a été purement et simplement rejetée le 6 mai par les électeurs grecs, lors des législatives, et français. Ces derniers ont remercié Nicolas Sarkozy, qui avait fait des mesures de rigueur la base de son programme électoral. Le succès de la coalition d’extrême gauche Syriza, farouchement hostile à l’austérité et désormais deuxième parti de Grèce, illustre le refus de la population de voir son niveau de vie réduit à néant pendant que le chômage s’envole.
Discrédités, les deux grands partis grecs ne recueillent qu’un tiers des voix.
Dès lors, l’attitude qu’adoptera Hollande après son entrée en fonction, le 15 mai, sera déterminante pour l’avenir de l’Union européenne. Se tiendra-t-il aux côtés du peuple grec contre l’austérité ? Ou soutiendra-t-il le gouvernement allemand et le Fonds monétaire international (FMI) en admettant que le renflouement de la Grèce ne peut être renégocié ? En d’autres termes : prendra-t-il la tête d’une fronde de l’Europe du Sud afin de contester la rigueur et d’isoler la chancelière allemande ?
"Merkollande" ?
Jusqu’au 6 mai, cette dernière pouvait compter sur le soutien de Sarkozy, à tel point qu’on avait fini par créer le néologisme « Merkozy » pour évoquer leur entente. Parlera-t-on dans quelques mois de « Merkollande » ? Rien n’est moins sûr. Malgré la prudence affichée par Berlin concernant le pacte de croissance défendu par le candidat socialiste, il semble aujourd’hui difficile, sur le fond, de trouver une quelconque approche commune.
Pour Merkel, le plan de croissance doit se concentrer sur des réformes structurelles, notamment le renforcement de la flexibilité du marché du travail. Hollande imagine pour sa part des investissements et la création d’emplois dans le développement des énergies renouvelables et des infrastructures, grâce à l’émission d’obligations européennes – les fameux eurobonds. Les réformes structurelles sont absentes de son programme, alors qu’elles sont au coeur de la vision allemande.
Si le nouveau président français devait camper sur ses positions et chercher à isoler Berlin au sein de l’Union européenne, ce serait « un véritable séisme dans la politique étrangère française de l’après-guerre, fondée sur l’idée que le "couple franco-allemand" devait gérer les affaires de l’Europe. Une alliance de la France avec le Sud porterait également tort à l’image qu’elle a d’elle-même, en tant que l’une des économies les plus fortes du continent », estime le Financial Times.
Blocage politique
C’est évidemment une responsabilité énorme que Hollande aura du mal à assumer, en dépit des pressions qui s’exercent déjà sur lui. Sa victoire est interprétée comme une première brèche dans le dogmatisme des tenants de l’austérité. Un peu partout en Europe, les formations qui rejettent cette politique ont désormais le vent en poupe. En Irlande, par exemple, le Sinn Féin, parti nationaliste et catholique, fait le plein de voix, en particulier chez les jeunes, grâce à son discours antiaustérité. Une montée en puissance qui inquiète les formations classiques.
Les élections grecques l’ont montré : les deux partis traditionnels favorables au renflouement, Nouvelle Démocratie et le Pasok, n’ont récolté qu’environ un tiers des voix et se montrent incapables de former un gouvernement. Le blocage politique est total. Il n’est pas de nature à inciter la France à jouer avec le feu en choisissant la confrontation avec Berlin. Les plus pessimistes imaginent déjà une implosion de la zone euro, voire de l’Union européenne.
Le 8 mai, David Cameron, le Premier ministre britannique, a rappelé dans un entretien accordé au Daily Mail que l’euro ne pouvait pas fonctionner sans un gouvernement européen, laissant poindre son inquiétude face à la détérioration de la situation dans la zone. Il a ainsi répondu à la critique de Hollande selon laquelle le Royaume-Uni était « indifférent » au sort de la monnaie unique.
Voilà pourquoi il est urgent de déterminer une ligne de conduite commune. C’est d’autant plus indispensable que les marchés craignent manifestement que la Grèce, sous l’influence d’un parti de la gauche radicale galvanisé par les résultats des législatives, ne remette en question ses engagements en matière de rigueur. Face à l’incertitude et à l’absence totale de visibilité à court terme, les Bourses enregistrent des mouvements de yoyo. À Athènes, la Bourse est tombée, le 8 mai, à son niveau d’il y a vingt ans. Pas de quoi claironner ni donner un quelconque espoir de reprise, synonyme d’un retour rapide à la croissance.
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