Les infrastructures, plus que jamais une priorité pour l’Afrique
Pour exploiter au mieux son potentiel économique, le continent doit investir 100 milliards de dollars par an dans les infrastructures. Le 2e Sommet sur le financement des infrastructures, qui s’est tenu les 2 et 3 février à Dakar, a sensibilisé acteurs politiques et bailleurs de fonds.
Un proverbe éthiopien bien connu affirme que « le regret, comme la queue, vient à la fin ». Ce proverbe énonce succinctement ce que je crois être une vérité universelle et un reflet de la manière dont nous, Africains, avons tendance à considérer la sombre situation dans laquelle se trouve le monde aujourd’hui. Les derniers développements diplomatiques ont forcé les dirigeants de la planète à concentrer leurs efforts sur les affaires intérieures de leurs propre pays, et loin du continent africain. Il ne faut pas le regretter, bien au contraire : c’est une occasion, pour l’Afrique, de se tenir sur ses deux jambes.
Un défi aux multiples facettes
Quiconque suit les discussions du Forum économique mondial, cette année, risque de rencontrer un nouveau mot à la consonance désagréable : « polycrise ». Ce terme, qui a gagné en popularité en 2022, décrit une suite d’événements récents jusque-là traités séparément – la pandémie de Covid-19, la guerre russo-ukrainienne, le ralentissement de l’économie mondiale assorti de difficultés financières généralisées, l’éternelle urgence climatique…
Quel que soit le nom qu’on lui donne, la situation dans laquelle se débat l’humanité nous place devant un défi aux multiples facettes, pour lequel il n’existe aucune solution toute faite. Pendant la crise financière mondiale de 2008, de nombreux pays avaient adopté des mesures d’austérité, s’étaient serré la ceinture et avaient attendu que la récession passe. Mais, dans le climat actuel, il est impossible de se risquer à la moindre prévision, car l’effet combiné des crises sanitaire, sécuritaire, financière et climatique est bien trop complexe pour que l’on puisse se référer à un modèle antérieur.
Une approche proactive – plutôt que réactive – est donc nécessaire pour relever ce défi, d’autant que certains aspects de cette crise multiforme risquent de s’aggraver si rien n’est fait. Cela est particulièrement vrai en Afrique, où, au cours des années 2020, des décennies de gains financiers et de progrès en matière de sécurité ont été sérieusement remises en cause. Plutôt que d’attendre une embellie, les dirigeants africains doivent se réunir et façonner l’avenir du continent.
Grands projets régionaux
Le deuxième Sommet sur le financement du développement des infrastructures en Afrique, qui vient de se tenir à Dakar, nous offre cette chance. En 2014, sa première édition avait débouché sur plusieurs avancées majeures dans la mise en œuvre du plan d’action prioritaire du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), en finançant 16 méga-projets d’infrastructures régionaux et en hâtant leur réalisation.
Avec un nouveau plan d’action prioritaire, sur lequel se sont accordés, en 2021, l’Union africaine (UA) et des partenaires majeurs tels que la Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, on attend beaucoup de ce Forum de Dakar. Cet événement vise à rassembler les parties prenantes liées au secteur des infrastructures venues de toute l’Afrique, afin de renforcer le soutien politique des acteurs étatiques et d’obtenir des engagements financiers de la part des institutions de développement.
On ne saurait trop insister sur le rôle crucial que jouent les infrastructures dans le développement futur de l’Afrique. Plutôt que de considérer la « polycrise » comme un obstacle, nous devrions la traiter comme un élément qui nous rappelle l’importance et l’urgence du développement de notre continent. La fragilité des chaînes d’approvisionnement modernes a été mise en évidence, l’année dernière, lorsque la guerre en Ukraine a provoqué des pénuries alimentaires et une flambée des prix dans le monde entier. Le moment n’a jamais été aussi propice pour que l’Afrique accroisse sa production agricole et ses exportations, mais, une fois encore, des infrastructures obsolètes, voire inexistantes, nous freinent.
Programmes rentables
Le transport efficace des biens et des services, des personnes et des idées, est fondamental pour toute économie, et les progrès dans un certain nombre de domaines resteront entravés tant que ces exigences de base ne seront pas satisfaites. Les experts estiment que l’Afrique doit investir environ 100 milliards de dollars par an dans les infrastructures si elle veut tirer parti de son potentiel économique et instaurer l’ambitieuse Zone de libre-échange continental africaine (ZLECAf). Mobilisons nos propres financements, et montrons que ces projets sont bel et bien rentables.
Les relations diplomatiques sont fondées sur le principe de réciprocité. Une dynamique de pouvoir déséquilibrée entraîne forcément des conditions inégales. L’Afrique doit s’élever par elle-même si elle veut être traitée comme un égal. Ces dernières décennies, certaines régions du continent ont connu des transformations étonnantes, tandis que d’autres restaient à la traîne. Un effort en faveur des infrastructures régionales pourrait réduire ces différences en ouvrant le continent au monde et en permettant au développement de se propager de manière plus équitable.
Alors que le monde traverse des temps troublés, il ne faut pas baisser les bras et s’en remettre au destin. Au contraire, les Africains doivent répondre à cette « polycrise » et travailler, ensemble, à la réalisation de leurs objectifs communs, indépendamment de ce que l’Histoire leur réserve. La route qui mènera notre continent vers un meilleur avenir commence par la construction de la route elle-même.
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