CAN 2025, l’Algérie a-t-elle marqué contre son camp ?

Candidate à l’organisation de la CAN 2025, l’Algérie accueillait jusqu’au 4 février la phase finale du Championnat d’Afrique des Nations (Chan), qui fut un succès sur tous les plans. Un bon point pour elle. Mais l’incident avec le Maroc avant le début de la compétition ne plaide pas en sa faveur…

Cérémonie d’ouverture du 7e Chan, au stade Nelson-Mandela, à Alger, le 13 janvier 2023. © Anadolu Agency via AFP

Alexis Billebault

Publié le 6 février 2023 Lecture : 4 minutes.

Dans quelques semaines, probablement dans le courant du mois de mars, le Comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) annoncera le nom du pays chargé d’organiser la CAN 2025, retirée à la Guinée.

La question devait être réglée le 10 février prochain, mais l’instance a décidé de se donner du temps, officiellement pour permettre au cabinet privé chargé de mener les missions d’inspection dans les différentes nations candidates (Algérie, Maroc, Zambie, ticket Nigeria-Bénin) de travailler.

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En réalité, on a préféré décaler la date initialement fixée pour une autre raison : le 10 février, la CAF sera (presque) au grand complet au Maroc, qui accueille la Coupe du monde des clubs de la Fifa (1er-11 février). « Imaginez que ce soit le Maroc qui soit choisi pour accueillir la CAN 2025. Faire cette annonce depuis le royaume, cela n’aurait pas été bien perçu en Algérie. Mieux vaut attendre quelques semaines et donner le nom de l’organisateur depuis un pays qui n’est pas candidat », souffle un dirigeant d’une fédération subsaharienne….

Les éloges de Patrice Motsepe

En attendant la décision finale, et en partant du principe que le choix se résumera à un duel entre l’Algérie et le Maroc, chaque déclaration d’un haut responsable de la CAF est scrupuleusement décortiquée.

De retour le 4 février à Alger pour assister à la finale entre l’Algérie et le Sénégal (0-0, 4-5 aux tirs au but), après avoir notamment fait un crochet par Davos pour assister au Forum économique mondial, Patrice Motsepe, le président sud-africain de la CAF, n’a pas tari d’éloges sur l’organisation de ce Chan. « C’est le meilleur de tous les temps [la 1ère édition a eu lieu en 2009, NDLR]. La qualité des stades, des terrains, du jeu, des arbitres, des hôtels, des transports…  »

Les déclarations du patron du football africain vont dans le sens des impressions recueillies auprès des visiteurs étrangers. « Franchement, c’est bien organisé. Les stades sont modernes, confortables, facilement accessibles, les liaisons aériennes entre les villes hôtes [Alger, Oran, Annaba, Constantine] sont faciles », confirme Jean-Michel Cavalli, le sélectionneur français de l’équipe A du Niger, venu en tant qu’observateur.

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L’Algérie n’avait pas organisé de grande compétition internationale de football depuis la CAN 1990, quand le nombre de participants n’était que de huit. La bonne tenue du Chan 2023 est évidemment un argument pour la Fédération algérienne de football (FAF), mais aussi pour le pouvoir, très impliqué dans le dossier de candidature pour la CAN 2025.

« L’Algérie qui montre qu’elle est capable d’accueillir un tournoi rassemblant dix-sept sélections, c’est très positif pour son image. L’État a investi beaucoup d’argent pour construire ou rénover des stades, dont la plupart avaient cinquante ans ou plus », plaide Ali Fergani, ancien international et sélectionneur algérien.

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« Un Chan bien organisé, des commentaires positifs de la part des visiteurs, les bons résultats de la sélection locale, tout cela tombe à pic pour le pouvoir, car pendant ce temps-là, on parle un peu moins des problèmes quotidiens des gens », grince un journaliste algérien.

Mais si l’Algérie a fait la démonstration qu’elle était en mesure d’accueillir un tournoi majeur et gérer les flux de responsables et de supporteurs, le conflit qui l’a opposée au Maroc avant le Chan n’a, à l’inverse, pas joué en sa faveur.

Depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, l’espace aérien algérien est fermé aux appareils marocains, Alger n’ayant même pas fait d’exception pour l’avion de la Royal Air Maroc qui devait acheminer la sélection marocaine, double tenante du titre, à Alger, et invité à passer par un pays tiers, probablement la Tunisie.

La Fédération royale marocaine de football (FRMF) avait refusé et fait le choix de ne pas envoyer sa sélection en Algérie, « en raison de son impossibilité de voyager ». Malgré les tentatives de médiation de Patrice Motsepe et de Gianni Infantino, le président de la Fifa, reçus par Abdelmadjid Tebboune, celui-ci n’a pas voulu faire d’exception, et le Maroc a annoncé son retrait de la compétition le 14 janvier, la veille de son premier match face au Soudan.

« Tebboune s’est montré trop rigide »

L’inflexibilité du chef de l’État algérien n’a pas été très bien perçue au sein de la CAF et de nombreuses fédérations africaines. « Les Algériens auraient beaucoup gagné en termes d’image en autorisant l’avion marocain à atterrir à Constantine. Tebboune s’est montré trop rigide, alors que la fédération algérienne était persuadée que les choses allaient s’arranger. Sportivement, l’absence du double tenant du titre a un peu nui à la compétition. Bien sûr, les Marocains, en refusant de passer par un autre pays, en ont fait une question de principe, mais dans l’histoire, l’Algérie davantage perdu que le Maroc, qui était déjà considéré comme le favori pour organiser la CAN 2025 avant cet incident », explique un autre dirigeant d’une fédération africaine.

Il faut en effet rappeler que la FRMF a signé quarante-cinq partenariats avec des fédérations africaines, dont certains des présidents sont membres du Comité exécutif de la CAF. « Et c’est ce Comex qui désignera le pays chargé d’accueillir la CAN 2025. Au niveau des instances, le Maroc est beaucoup plus puissant que l’Algérie, laquelle aurait dû faire preuve de beaucoup plus de souplesse dans l’affaire du Chan », confirme Jean-Baptiste Guégan, enseignant et auteur de Géopolitique du sport.

L’histoire pourrait, en outre, se répéter au printemps, puisque l’Algérie organise, du 29 avril au 19 mai, la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans. Le Maroc, qualifié, doit y affronter le Nigeria, la Zambie et l’Afrique du Sud… à Constantine.  La CAF – et la Fifa – auront forcément un œil sur la question du déplacement des Marocains. Mais d’ici là, la CAN 2025 aura de toute façon été attribuée…

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