France : François Hollande face au défi du redressement économique

Les caisses de l’État français sont vides, la croissance est anémique. Pas simple dans ces conditions pour François Hollande de relancer la machine et de maintenir les ambitions internationales du pays, notamment en Afrique.

François Hollande en meeting en Moselle, le 4 mai. © Patrick Hertzog/AFP

François Hollande en meeting en Moselle, le 4 mai. © Patrick Hertzog/AFP

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Publié le 21 mai 2012 Lecture : 5 minutes.

France-Afrique : Hollande et nous
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Même au cours de la dernière semaine de campagne où tout indiquait qu’il allait conquérir l’Élysée, François Hollande n’a pas cédé à l’euphorie. Il allait répétant à ses partisans : « Je n’ai pas de délai de grâce. Les problèmes du pays ne vont pas disparaître avec le départ de Nicolas Sarkozy. Il ne va pas emmener avec lui la dette publique, le chômage, les urgences sociales. » À Forbach (Moselle), le 4 mai, il prévenait la foule : « Ce sera dur après. » C’est en effet un quinquennat sur le fil du rasoir des crises économique, financière et sociale qui l’attend.

La situation dont il héritera le 15 mai est sombre. La compétitivité de l’Hexagone est au plus mal, comme le prouve un déficit commercial record en 2011 de 69,6 milliards d’euros, quand l’Allemagne réalisait un excédent de 158 milliards. Comment pourrait-il en être autrement quand le coût horaire de la main-d’oeuvre s’élève à 34,20 euros en France – contre 30,10 euros outre-Rhin – et que les exportations du pays vers l’Union européenne ont reculé de 3,1 % au cours des années 2000 ? La crise économique, les délocalisations et la désindustrialisation propulseront le taux de chômage en France métropolitaine à 9,7 % fin juin, contre 9,1 % un an plus tôt. Quelque 2,9 millions de Français se trouvent sans emploi (4,3 millions si on inclut ceux exerçant une activité réduite) et plus de 8 millions dans la pauvreté.

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Les comptes de la République ont viré au rouge vif. Les déficits publics se sont élevés à 106,5 milliards d’euros en 2011, soit 5,3 % du PIB, alors que la règle européenne voudrait que ce pourcentage ne dépasse pas 3 %. À ce jour, la dette publique atteint 1 800 milliards d’euros, soit 90 % du PIB, seuil à partir duquel les experts considèrent qu’elle étouffe l’activité économique. L’agence Standard & Poor’s a retiré à la France sa note d’excellence AAA pour ces raisons.

François Hollande a recensé les « défis » qui l’attendent lors de son premier discours d’après victoire à Tulle (Corrèze), le 6 mai : « Le redressement de notre production pour sortir notre pays de la crise, la réduction de nos déficits pour maîtriser la dette, la préservation de notre modèle social pour assurer à tous le même accès aux services publics. » Mais le nouveau président se trouvera confronté à des exigences contradictoires. Ainsi de l’opposition entre la rigueur nécessaire et la croissance indispensable. Dès son entrée en lice, il avait fait de l’assainissement des comptes publics l’un de ses chevaux de bataille et annoncé qu’ils reviendraient à l’équilibre en 2017 – pour la première fois depuis 1974 -, ce qui impliquera d’économiser une centaine de milliards d’euros en cinq ans.

Une croissance anémique

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En l’absence de toute marge d’action budgétaire et avec une croissance anémique, comment parviendra-t-il à ce résultat tout en embauchant 60 000 personnes dans l’éducation nationale, en revenant à un départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans et en augmentant de 25 % l’allocation de rentrée scolaire pour 3 millions de parents modestes ? Le « choc fiscal » d’une trentaine de milliards d’euros suffira-t-il ?

Depuis quelques semaines, François Hollande a mis astucieusement en avant la nécessité de ne pas s’enfermer dans la rigueur qui risque d’étouffer, elle aussi, l’économie. En annonçant qu’il demanderait la renégociation du pacte de discipline budgétaire concocté en décembre 2011 par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, il a souhaité que des mesures de soutien à la croissance y soient adjointes. L’hostilité de la chancelière allemande à cet ajout, que réclament aussi les chefs de gouvernement espagnol, italien et belge et même la Commission européenne et le gouverneur de la Banque centrale européenne, faiblirait. Une victoire pour le nouveau président français, qui s’est félicité d’avoir prouvé qu’« enfin l’austérité ne pouvait plus être une fatalité ».

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Mais les mesures allant dans ce sens (dont la création d’une banque publique d’investissement à destination des PME, dotée de 20 milliards d’euros de capitaux propres) mettront du temps à relancer la machine. Et elles risquent d’être annihilées par les dizaines de milliards d’euros d’impôts rendus nécessaires par la réduction des déficits budgétaires.

Le dilemme rigueur-croissance se double d’une autre contradiction : celle qui oppose les promesses d’équité et l’impératif d’améliorer la compétitivité de la France. Le programme de François Hollande prévoit d’abroger la TVA sociale et les allègements de charges « Fillon » sur les bas salaires. Une indexation accrue du salaire minimum sur la croissance est annoncée. Ce train de mesures risque d’alourdir le coût du travail et de peser sur la compétitivité. Sans compter que la « conférence nationale pour l’emploi » qui se réunirait en juillet donnera aux syndicats ayant soutenu le candidat socialiste l’occasion de faire pression en matière de salaires ou de retraites…

Un destin lié à l’Europe

Pour compliquer encore l’équation, les aléas internationaux n’ont jamais été aussi forts et la France ne peut les ignorer, elle dont le sort est lié à celui de l’Europe. Certes, les marchés ne semblent pas s’effrayer de l’arrivée au pouvoir des socialistes, comme le montrent les taux toujours bas demandés pour l’achat de la dette française. Et l’on peut espérer que le Portugal, l’Espagne et surtout l’Italie parviendront à rassurer les investisseurs sur leur capacité à réduire leurs déficits sans étrangler leur croissance. Reste la Grèce, qui a voté massivement le 6 mai contre les plans d’austérité. De nouvelles et fortes turbulences pourraient contaminer toute la zone euro si le nouveau Parlement grec refusait de poursuivre dans la voie de la rigueur.

Et puis il y a les relations avec l’Allemagne, à consolider au plus vite. Car pas d’Europe sans axe franco-allemand fort. Pas de croissance européenne avec la panne actuelle des deux grandes économies de la zone euro. Pas de confiance des marchés sans une coordination de leurs politiques budgétaires, financières et même sociales. À l’heure actuelle, leurs points de vue sont antagonistes. La chancelière allemande ne veut entendre parler que de la « règle d’or » interdisant les déficits excessifs, tandis que le président français veut remettre celle-ci en question afin d’obliger l’Allemagne à soutenir la croissance. D’après les experts, le pragmatisme d’Angela Merkel et de François Hollande devrait leur permettre de trouver un terrain d’entente.

Le pire n’est donc pas sûr pour le nouvel hôte de l’Élysée, et il lui sera aisé de préparer les législatives en décidant, dans les prochains jours, le blocage du prix des carburants pendant trois mois, une baisse de 30 % de sa propre rémunération et de celle de ses ministres ou le retrait des troupes d’Afghanistan avant la fin de l’année. Le « dur » arrivera dans la foulée sous la forme d’une avalanche de suppressions d’emplois qui pourraient concerner Carrefour, Citroën, Air France, la SNCM, Arcelor, Petroplus et toutes les entreprises, grandes et petites, qui ont suspendu leurs réductions d’effectifs sous la pression du chef de l’État sortant, Nicolas Sarkozy, soucieux de préserver son bilan en termes de chômage.

À ceux qui le presseront alors d’intervenir, le nouveau président répondra-t-il que « l’État ne peut pas tout », comme le Premier ministre Lionel Jospin en 1997 ? Ou bien trouvera-t-il un moyen pour y « pouvoir quelque chose » ? Dans tous les domaines économiques, la nouvelle présidence sera ainsi placée sous l’injonction paradoxale d’agir… sans grands moyens ; ce qui voudra dire trancher rudement et déplaire à beaucoup. François Hollande devra forcer sa nature. 

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