France-Afrique : Hollande et nous
Le nouveau président français François Hollande connaît très mal le continent. Va-t-il y mener une autre politique que son prédécesseur ? Pas fondamentalement. Un changement de style ? Assurément.
France-Afrique : Hollande et nous
On attendait de lui, entre janvier et avril, une tournée maghrébine, un saut d’avion au sud du Sahara ou un grand discours de politique étrangère dans lequel il définirait avec précision ce que seraient les relations entre la France, l’Afrique et le monde arabe. On l’a annoncé à Rabat, guetté à Alger, espéré à Dakar, Niamey ou Cotonou. En définitive, François Hollande ne sera allé nulle part, labourant son champ électoral en terre exclusivement française, conscient que seuls les enjeux économiques et sociaux influent sur le verdict des urnes.
Du continent africain, le nouveau président ne connaît guère que le Maghreb, particulièrement l’Algérie, et… la Somalie, visitée dans le cadre d’un stage de futur énarque à l’époque de Siad Barré. C’est dire s’il aborde sa politique africaine – tout le monde en a une – avec une fraîcheur bienvenue et une large liberté de choix : rien ne lui lie les mains, ni l’héritage, ni ces fils à la patte que sont les mallettes de la République, encore moins les amitiés encombrantes. Il est le premier des chefs d’État de la Ve République à accéder au pouvoir avec une telle virginité. Pour lui, l’Afrique est largement terra incognita, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle soit un lieu où les hommes politiques français sont condamnés à se compromettre. François Hollande n’est pas Lionel Jospin.
Les zigzags africains de François Mitterrand
Jusqu’au 20 juin, le calendrier international du nouvel élu passe par Berlin, Bruxelles, Camp David, Chicago, Los Cabos. Sans doute est-ce à Alger qu’il effectuera ensuite sa première visite bilatérale hors d’Europe, tant la décrispation des relations tendues entre les deux pays semble lui tenir à coeur. Puis, très vite, viendra le temps de poser cet « acte fondamental » que François Hollande annonçait dans Jeune Afrique en août 2011, « pour que nous puissions avoir des principes établis entre le nouveau président de la République française et les chefs d’État africains ». Les contours de cette initiative, que le candidat plaçait alors au même niveau d’importance que la refondation d’une « relation confiante et durable » avec l’Allemagne, demeurent pour l’instant extrêmement flous. Si François Hollande veut éviter la répétition des zigzags africains de François Mitterrand, avec un démarrage droit-de-l’hommiste à gauche toute suivi d’un brusque coup de frein et d’un virage réaliste pour finir sur la voie de garage de la Françafrique, un tel cadrage sous forme de feuille de route est pourtant indispensable.
Avec l’ex-Premier ministre tunisien Béji Caîd Essebsi, le 25 mai 2011 à Tunis.
(Copyright Féthi Belaid/AFP)
Cette imprécision explique largement le sentiment général d’attentisme observé en Afrique francophone au lendemain du 6 mai. La victoire de Mitterrand en 1981 avait tétanisé Mobutu, cueilli à froid Hassan II et fait danser de joie les démocrates. Rien de tel aujourd’hui : face à l’énigme Hollande, les espoirs sont mesurés et les craintes raisonnées. Les temps, il est vrai, ont changé. La France n’a joué aucun rôle dans les révolutions tunisienne et égyptienne, elle ne les a même pas pressenties et le destin des peuples du Maghreb ne se joue pas à Paris. Au sud du Sahara, son influence réelle – si ce n’est symbolique et linguistique – est de plus en plus relativisée par le contrepoids politique et économique des grands pays émergents. Les Africains n’ignorent pas que, entre l’idée que certains se font encore de la place de la France chez eux et ce qu’elle peut y faire en réalité, le contraste est de plus en plus saisissant.
Pas de Dakar bis
Certes, dans quelques palais d’Afrique centrale, on a rouvert fébrilement de vieux carnets d’adresses afin de vérifier si les contacts de gauche, délaissés depuis dix ans, étaient encore valides. Bien sûr, les dirigeants des partis membres de l’Internationale socialiste se sont réjouis et les partisans de Laurent Gbagbo ont sablé le champagne à Abidjan le soir de la défaite de Nicolas Sarkozy. Reste que tous les Africains savent qu’un nouveau discours de La Baule aux effets déstabilisateurs sur les pouvoirs autoritaires n’est plus envisageable aujourd’hui. « La couleur de notre pétrole n’a pas changé le 6 mai 2012 », relevait non sans cynisme le proche conseiller d’un chef d’État africain. Quant aux opposants, ils ont enfin compris que leur avenir était entre leurs mains et qu’il ne servait à rien d’espérer des révolutions par procuration.
Pas de La Baule bis, donc. Mais encore moins, cela va de soi, de discours de Dakar bis. C’est cette différence-là qui sans doute apparaîtra la première et qui, dans le fond, commandera toutes les autres. Un président français « normal », sans condescendance ni familiarité, sans tutoiement automatique ni tapes dans le dos, cela va changer. Si rupture il doit y avoir entre la politique africaine de Nicolas Sarkozy et celle de François Hollande, elle sera d’abord une affaire de style.
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