Plus divisée que jamais, la Syrie est au bord de la guerre civile

Des attentats de plus en plus sanglants, un plan onusien qui s’enlise, une opposition divisée et déjà 12 000 morts depuis mars 2011… Le pays est au bord d’une guerre civile dont on n’entrevoit pas l’issue.

Le double attentat de Damas, le 10 mai. © AFP

Le double attentat de Damas, le 10 mai. © AFP

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 17 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Le trafic était dense ce 10 mai sur la rocade sud de Damas. La double explosion était programmée pour faire le maximum de victimes. Au milieu de la chaussée, un cratère, des carcasses de voitures et des corps calcinés : 55 morts et près de 400 blessés, l’attentat le plus meurtrier depuis le début de la crise. Symboliquement visé, le bâtiment des services de renseignements est éventré. La Syrie suivrait-elle la voie irakienne ? Depuis la fin de 2011, des attentats ont frappé plusieurs villes du pays.

Les autorités ont aussitôt dénoncé une action des bandes terroristes qui, selon elles, cherchent à précipiter le pays dans la guerre civile. Le Conseil national syrien (CNS) et l’Armée syrienne libre (ASL) imputent au contraire ce carnage au pouvoir, accusé de vouloir torpiller le plan de sortie de crise de Kofi Annan, représentant de l’Organisation des Nations unies (ONU) et de la Ligue arabe. Le général Robert Mood, chef des observateurs onusiens, a lui-même eu très peur la veille. À Deraa (Sud), son convoi a été visé par une bombe. Bilan : dix blessés parmi son escorte syrienne.

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Représentant de la Coordination nationale pour le changement démocratique (CNCD), autre coalition d’opposition – hostile, elle, à l’action armée -, Haytham Manna hésite : « À Deraa, c’est clairement l’oeuvre d’un groupe islamiste opposé au plan Annan. À Damas, il peut s’agir de professionnels de type Al-Qaïda, mais on ne peut exclure un acte des services de renseignements », explique-t-il. Mais que gagnerait le pouvoir à saboter un plan qui n’évoque pas le départ de Bachar al-Assad ?

Fruit d’un compromis entre les alliés russes et chinois d’Assad et les puissances qui lui sont hostiles – France, États-Unis et Grande-Bretagne -, il prévoit la fin des combats comme préalable à des négociations. Las, le cessez-le-feu du 12 avril n’a pas tenu vingt-quatre heures. Les combats ont depuis fait plus de 900 morts.

Piège

Contrairement aux dispositions du plan onusien, les chars de l’armée restent déployés et les exactions du régime se poursuivent. Mais les insurgés ont-ils respecté la  trêve ? Manna en doute. « L’ASL est responsable de la moitié des attaques, et le CNS, au fond, ne veut pas du plan Annan », estime-t-il. Le 28 avril, semblant confirmer cette analyse, la marine libanaise a arraisonné un cargo en provenance de Libye, avec à son bord, selon le quotidien libanais Al-Akhbar, « des missiles sol-air Sam 7, des missiles antichars, des lance-roquettes de fabrication française ». Un armement qui, s’il était destiné aux insurgés, prouverait qu’ils se radicalisent, confortant la thèse des partisans d’Assad. Un piège du régime, rétorque le CNS…

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À la veille de l’attentat du 10 mai, le colonel Riad el-Assad, de l’ASL, affichait le peu de cas qu’il faisait de la mission de l’ONU, qualifiant ses observateurs de « faux témoins » et annonçant la reprise des offensives insurgées. Un autre chef de l’ASL, le général Moustapha Ahmad al-Cheikh, a appelé la communauté internationale à procéder à « des frappes ciblées contre le régime ». Une option qui s’éloigne : Barack Obama se concentre sur sa campagne électorale, et Nicolas Sarkozy, le plus va-t-en-guerre des Occidentaux, quitte le pouvoir. Qualifiée de dernier espoir de paix, la mission Annan s’enlise, bien que le diplomate continue de la défendre, déclarant que « l’activité militaire a légèrement diminué » et tablant sur l’envoi de 300 observateurs supplémentaires d’ici à la fin mai.

L’opposition, elle, est plus divisée que jamais. Celle, intérieure, pacifiste et laïque, du CNCD peine à faire entendre sa voix. Celle, extérieure, du CNS est en perte de légitimité sur un terrain qu’occupe l’insurrection. Et celle-ci est loin d’être homogène. Basé en Turquie, l’état-major de l’ASL n’a guère d’emprise sur les groupes combattants, où l’on compte un nombre minoritaire, mais croissant, de djihadistes étrangers. Face à ce pourrissement, comment ne pas être pessimiste ? Sans intervention extérieure, l’opposition sera incapable de faire tomber le régime. L’on s’achemine donc vers une longue guerre civile cantonnée à certaines régions. Avec le risque qu’elle s’étende et devienne incontrôlable.

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