Algérie : après Bouteflika…
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 14 mai 2012 Lecture : 2 minutes.
Décidément, Abdelaziz Bouteflika n’est jamais là où on l’attend… En plein Printemps arabe – au moment où tout le monde s’interrogeait sur son éventuelle propagation à l’Algérie -, il avait prononcé un discours jugé terne, ne répondant pas, en tout cas, aux attentes de ses concitoyens. Lui, le tribun hors pair, héraut d’une Algérie à son zénith diplomatique dans les années 1970, était apparu fatigué et peu convaincant. Sa voix était à peine audible, son visage marqué. À Sétif, ce 8 mai, pour la commémoration des massacres de 1945 et moins de deux jours avant des législatives qui n’ont guère passionné les foules mais qui représentent un véritable tournant politique, « Boutef » a pris tout le monde par surprise et s’est livré comme rarement, retrouvant une verve que l’on pensait disparue.
Passons rapidement sur la main tendue à François Hollande et sa volonté de dépassionner les relations entre son pays et la France, pour nous intéresser à un passage, tout en subtilité certes, mais ô combien important : celui sur la transmission du témoin entre sa génération, celle qui a mené la guerre d’indépendance et qui dirige toujours le pays, et les suivantes, véritable noeud gordien d’une nation qui a longtemps sacrifié sa jeunesse – les deux tiers de la population ! – sur l’autel de l’Histoire. « Je m’adresse aux jeunes qui doivent prendre le témoin, car ma génération a fait son temps, a-t-il expliqué. L’heure de la retraite a sonné pour les anciens, qui ne peuvent plus gérer les affaires du pays. […] Ceux qui ont libéré le pays vous disent : "Nous n’avons plus la force pour continuer. Le pays est entre vos mains, prenez-en soin." » Le ton est solennel, presque émouvant. Et lorsqu’une partie de l’assistance s’est mise à « réclamer » un quatrième mandat, Bouteflika a répondu, à sa manière, interrompant fermement les thuriféraires : « Longue vie à celui qui connaît ses limites. » Autrement dit, il s’arrêtera bel et bien en 2014, au bout d’un long chemin, celui de l’un des derniers survivants au pouvoir des tumultes de l’histoire algérienne, mouvementée, parfois tragique, nourrie de moments de gloire et de crises. Celui aussi d’un acteur majeur du demi-siècle écoulé, d’Oujda à Alger, en passant par Paris, Genève ou les Émirats, qui aura tout connu, y compris l’humiliation et l’exil.
À 75 ans, Bouteflika s’apprête à dépasser Boumédiène et Chadli en termes de longévité au pouvoir. Quoi qu’en pensent ses détracteurs et malgré les sarcasmes ou les clichés véhiculés par une certaine presse française pour qui l’Algérie demeure une anomalie et une énigme, il laissera une empreinte profonde et un pays stabilisé. Pour qui se souvient des conditions dans lesquelles il est arrivé à la tête de l’État, ce n’est pas rien. Au-delà de la charge symbolique d’un tel discours, prononcé à Sétif l’année du cinquantenaire de l’indépendance, Bouteflika vient d’annoncer ce que la grande majorité des Algériens attendent depuis longtemps sans jamais y avoir cru : le changement. Il reste deux ans pour le préparer. Ou le subir…
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