Les deux piliers de la sécurité alimentaire
Responsable de la division développement agricole et rural de l’Agence française de développement
Agro-industrie : un potentiel à développer
En Afrique subsaharienne, la sécurité alimentaire passe presque autant par la modernisation des PME des filières agroalimentaires que par celle des exploitations agricoles familiales. Un tiers des 940 milliards de dollars [environ 700 milliards d’euros, NDLR] qu’il faudrait y investir d’ici à 2050 devrait l’être au niveau de la transformation, du stockage et de la chaîne du froid.
Historiquement, dans cette région, les agro-industries d’exportation ont eu un effet d’entraînement et de structuration des filières coton, caoutchouc et huile. Portées par les marchés domestiques urbains, les PME de l’agroalimentaire peuvent avoir le même rôle moteur sur l’agriculture africaine. Mais ces milliers d’entreprises qui connectent les cultivateurs aux consommateurs urbains ne font pas l’objet d’une attention suffisante.
La demande alimentaire des villes africaines atteindra 150 milliards de dollars en 2030 : trois fois ce qu’elle est aujourd’hui. La part des produits transformés – moins de 15 % actuellement – ira croissant, et il serait très regrettable que ces aspirations soient satisfaites par des produits transformés importés. Cela représenterait des millions d’emplois perdus et une aggravation des déséquilibres des balances commerciales agricoles et alimentaires.
Alors oui, il faut agir au niveau des producteurs pour réduire les déficits en produits de base (riz, oléagineux, protéines animales) et améliorer les revenus des ruraux. Mais simultanément, il faut soutenir les PME de transformation des produits agricoles locaux. Les stratégies de sécurité alimentaire doivent reposer sur ces deux piliers.
Le développement et la « mise à niveau » des PME agroalimentaires nécessitent de considérer quatre types d’interventions.
1) Il faut renforcer leurs compétences techniques pour la transformation des produits fragiles comme le lait, les légumes, les fruits et les tubercules, mais aussi managériales, dans un continuum allant de la formation au coaching des entrepreneurs dans leurs choix d’investissement, de marketing comme de gestion.
2) Il faut améliorer les capacités des systèmes financiers locaux à comprendre et répondre aux besoins d’investissement et de trésorerie de PME confrontées à une forte saisonnalité de leur activité et à de grandes variations de prix.
3) Il faut faciliter l’établissement de relations contractuelles de confiance et durables entre les agriculteurs et les PME pour garantir leur approvisionnement en volume et en qualité.
4) Enfin, il faut que les pouvoirs publics soient en mesure de soutenir la création et le développement des PME tout en faisant respecter des normes sanitaires garantissant la sécurité des consommateurs.
Concrètement, le développement des PME de l’agroalimentaire nécessite des partenariats entre les associations professionnelles, les institutions financières et les pouvoirs publics. Deux types de ressources peuvent alors être mobilisés par les institutions financières internationales et les États : des aides, éventuellement remboursables, pour les besoins de facilitation, d’expertise et d’assistance technique, mais aussi des financements à destination des entreprises et des banques (lignes de crédit, fonds d’investissement, garanties).
Cela fait aujourd’hui l’objet d’initiatives internationales prenant en compte le développement des PME à l’échelle sous-régionale. Les complémentarités entre bassins de production et zones de consommation sont connues en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, notamment pour les céréales, les légumes, les bananes et la viande. La facilitation des échanges de produits agricoles au sein de ces espaces, facteur clé de leur sécurité alimentaire, repose aussi sur des réseaux régionaux de PME et sur l’existence de PME d’envergure régionale.
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