Agrobusiness – Engrais : après les mots, les actes ?

Le continent est loin d’avoir entamé sa « révolution verte ». Réunis fin avril à Agadir, au Maroc, les industriels du secteur des fertilisants l’ont bien compris. Reste à démocratiser l’accès à leurs produits.

Publié le 14 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Agro-industrie : un potentiel à développer
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Agro-industrie : un potentiel à développer

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Malgré les engagements pris ces dix dernières années, les membres de l’Union africaine ne consacrent guère plus de 5 % de leur budget à l’agriculture, et les cultivateurs n’utilisent qu’une dizaine de kilos d’engrais par hectare et par an – dix fois moins que la moyenne mondiale. Face à ce constat, l’Office chérifien des phosphates (OCP), l’un des plus importants producteurs mondiaux de phosphates, multiplie les initiatives en direction du continent : projet de carte de fertilité des sols au Mali et bientôt dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, engrais innovants mieux adaptés à l’acidité des sols africains, etc.

Lors d’une conférence organisée en partenariat avec le Fertilizer Market Bulletin à Agadir (Maroc) du 18 au 20 avril, le groupe a fait le point sur sa stratégie africaine, annoncée lors de la première édition de cet événement, en 2010. Une « partie significative » de sa production, qui devrait bondir de 3 millions à 10 millions de tonnes d’ici à 2015, sera consacrée à l’Afrique. Confrontés à un tassement de la demande sur leurs marchés traditionnels, notamment en Europe, d’autres producteurs, comme l’allemand K+S Kali et le norvégien Yara, étaient également bien représentés à Agadir.

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Les négociants se positionnent

Eux aussi semblent s’intéresser de près aux engrais. Pour les négociants en matières premières, il ne s’agit manifestement plus seulement de jouer le rôle d’intermédiaires, mais d’être présents à la fois en amont et en aval de leur activité traditionnelle. Représenté à Agadir par une délégation très active, Louis Dreyfus Commodities semble ainsi accorder une importance particulière au continent. L’an dernier, le groupe français est parvenu à décrocher la privatisation de SCPA Sivex International, l’un des leaders dans l’importation et la distribution d’engrais en Afrique. Comme l’explique un observateur indépendant, la stratégie des négociants reposerait sur une forme de troc fondé sur la complémentarité de leurs activités : approvisionnement en engrais de leurs propres participations agricoles contre remboursement « en nature » au moment de la récolte.

Marché sclérosé

La question des effets pervers des différents systèmes de subvention mis en place un peu partout en Afrique était par ailleurs au centre des débats. D’après une étude réalisée par le nigérian Notore Chemical Industries, ces systèmes sont contre-productifs car ils ont pour principal effet d’entretenir un réseau d’intermédiaires et d’instaurer une concurrence déloyale vis-à-vis du secteur privé. Le mauvais état des infrastructures, les contrôles routiers et les tracasseries administratives achèvent de scléroser le marché. Dans une étude menée en Afrique de l’Ouest en 2009, l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) a calculé que le coût de 1 tonne d’engrais était multiplié par quatre entre son déchargement au port et le moment où elle arrivait à destination.

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Autre problème : l’usage des engrais est d’abord concentré sur les cultures d’exportation comme la canne à sucre, le thé ou le café. Les agriculteurs vivriers ne sont pas encore prêts à investir dans les engrais pour des cultures non commerciales qui ne leur rapportent rien. Or, sans garantie à proposer, ils ont un accès limité au crédit. Comme l’explique Martin Drevon, chef de projet au Centre international de développement des engrais (IFDC), « beaucoup de producteurs voient leurs surplus se perdre faute de stockage adapté et à cause d’un marché quasi inexistant ». Si l’équation verte est loin d’être résolue, Stephen Schonberger, économiste au Fonds international de développement agricole (Ifad), se félicite qu’à Agadir, « pour la première fois », les représentants des petits exploitants, des gouvernements, des grandes institutions et des entreprises privées semblaient « parler le même langage ». Espérons que les actes suivront. 

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