Thomas Sankara, héros national sans sépulture fixe
Ouagadougou a annoncé que les restes du leader révolutionnaire seront « réinhumés » au Mémorial édifié en son souvenir, lequel se trouve… à l’endroit même où il fut assassiné. Une localisation qui ne fait pas l’unanimité, notamment au sein de la famille du fondateur du Burkina Faso.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 février 2023 Lecture : 2 minutes.
Même si le condamné Blaise Compaoré n’a pas vu sa sentence exécutée, la conclusion du procès de l’assassinat de Thomas Sankara semblait promettre à la dépouille du premier président du Burkina Faso une dernière demeure apaisée. Mais où, et dans quelle terre ? En 2015, la justice burkinabè ordonnait l’exhumation des restes du héros national enterré à la sauvette, en 1987, au cimetière de Dagnoën. Placés sous scellés, les ossements sont censés rejoindre bientôt leur sépulture définitive.
Statut de mausolée
Le 3 février dernier, un communiqué de l’actuel porte-parole du gouvernement portait « à la connaissance du peuple burkinabè et de l’opinion interafricaine et internationale que la réinhumation des restes mortels du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons assassinés le 15 octobre 1987 » se déroulerait « à Ouagadougou sur le site du Mémorial Thomas Sankara (ex-Conseil de l’Entente) ». Dédié aux victimes de la tragédie de 1987, précisément dans la zone des assassinats, l’espace déjà doté d’une statue monumentale entend revendiquer le statut de mausolée.
Bien que saluée par le comité international du Mémorial, la localisation annoncée du « ré-enterrement » provoque un appel au boycott, même si les autorités précisent que leur décision est « le résultat de concertations (…) élargies aux familles des victimes ».
Par un communiqué daté du 5 février, des « membres de la famille de feu Thomas Sankara » prennent à témoin « l’opinion publique nationale et internationale » pour dénoncer un lieu d’inhumation « imposé sans autre forme de discussion consensuelle ». Ce groupe informe qu’il ne participera pas à l’organisation des cérémonies, et ne sera pas présent à l’inhumation.
Quelle stratégie pour « IB » ?
Les accointances entre la junte et le comité du Mémorial ne sont plus à démontrer, le capitaine Ibrahim Traoré ayant reçu, sur le lieu de dévotion, un trophée Thomas Sankara, à peine deux semaines après sa prise du pouvoir, lors de la commémoration des 35 ans de la mort de mythique prédécesseur.
Galvanisé par une réputation de réincarnation du Che africain, « IB » pourra-t-il ignorer la famille du défunt tout en annonçant le respect des « rites funéraires coutumiers » burkinabè ? Tentera-t-il de faire changer d’avis ceux qui estiment que le lieu du crime recèle une « charge » incompatible avec le « rassemblement et l’apaisement des cœurs » ? Essaiera-t-il de diviser le clan, sachant que la populaire veuve Maryam Sankara devrait avoir le dernier mot ? Plaidera-t-il une popularité si grande que “Thom’ Sank’” échapperait aux siens ?
À Moscou, presque un siècle après sa mort, le corps embaumé du révolutionnaire Lénine n’est toujours pas enterré…
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