Banque : la Beac entre convalescence et redressement

Rigueur budgétaire, contrôle, transparence, prudence… Depuis le scandale qui l’a ébranlée en 2009, la Banque des États de l’Afrique centrale a revu son code de conduite. Cela n’empêche pas l’Afrique centrale de connaître une nouvelle affaire de mauvaise gouvernance.

Le siège de l’institution, à Yaoundé. © Diego Ravier pour J.A.

Le siège de l’institution, à Yaoundé. © Diego Ravier pour J.A.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 17 mai 2012 Lecture : 5 minutes.

Près de trois ans après le scandale qui a ébranlé la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), voilà la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) empêtrée à son tour dans une affaire de mauvaise gouvernance, également révélée par Jeune Afrique. Fausses factures, prélèvements d’espèces non justifiés, attributions douteuses de marchés… Les montants en jeu se chiffrent à plusieurs millions d’euros. Ce nouveau scandale, qui éclabousse en premier lieu le Camerounais Antoine Ntsimi, président de cette Commission depuis 2007, n’en est vraisemblablement qu’à son début, puisqu’il figurera au centre des discussions du prochain sommet des chefs d’État de la zone, annoncé pour les semaines à venir, à Brazzaville.

L’affaire Ntsimi

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Vue du siège de la Beac, à Yaoundé, cette affaire vient rappeler les douloureuses révélations, en 2009, sur le détournement d’environ 31 millions d’euros depuis le bureau extérieur de l’institution à Paris. Des malversations ayant porté un sérieux coup à l’image de la banque et entraîné une réorganisation profonde de sa gouvernance. L’affaire Ntsimi vient surtout interpeller les nouveaux dirigeants de la Beac sur l’intérêt qu’ils ont à maintenir le cap des réformes engagées sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour restaurer la crédibilité de l’institution émettrice.

Aujourd’hui, « l’incendie a été éteint, nous sommes en train de nous redresser pour nous conformer aux standards internationaux », affirme l’Équato-Guinéen Lucas Abaga Nchama, nommé gouverneur de la Beac en janvier 2010. D’après un autre haut cadre de l’institution, « de nombreuses mesures ont été mises en oeuvre pour prévenir les comportements non orthodoxes. Le gouverneur ne dicte plus rien, son propre travail et ses décisions sont soumis à un comité d’audit indépendant. De plus, des partenaires étrangers viennent vérifier la bonne évolution des réformes en cours ». Faisant allusion à la Commission de la Cemac qui n’a pas été auditée pendant plusieurs années, cette même source préconise : « Le contrôle doit être renforcé dans toutes les institutions de la sous-région, aucune d’entre elles ne doit y échapper. »

Mais où en sont les "Parisiens" ?

Le Gabonais Armand Brice Ndzamba (ancien comptable du bureau extérieur), le Centrafricain Gaston Sembo-Backonly (ex-adjoint au délégué du gouverneur à Paris), le Gabonais Maurice Moutsinga (alors directeur du contrôle au siège)… Les procédures judiciaires engagées contre les protagonistes de l’affaire du bureau extérieur de Paris peinent à aboutir. Ceux qui ont été incarcérés ont même été libérés après quelques mois et placés sous contrôle judiciaire. « Nous avons contesté ces décisions par le biais de notre avocat. Mais nous laissons la justice faire son travail », assure Lucas Abaga Nchama, gouverneur de la Beac, qui refuse d’admettre un quelconque laxisme des chefs d’État dans cette affaire et estime que le licenciement immédiat de tous les cadres incriminés a été un acte de fermeté. Les suites de l’enquête ont conduit au renvoi de six nouveaux cadres depuis l’arrivée de Nchama, et d’autres seraient sur la sellette. Par ailleurs, le budget du bureau de Paris a été réduit de moitié, à environ 1 million d’euros. S.B.

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Rigueur budgétaire, contrôle, transparence…

et prudence. Tels sont aujourd’hui les maîtres mots dans la gestion de la Beac. Parmi les améliorations apportées, l’adoption d’un code des marchés. « Il n’y en avait pas. Désormais, aucun marché ne peut être attribué sans appel d’offres », se félicite Lucas Abaga Nchama. À titre d’exemple, le programme immobilier prévoyant la construction d’un centre de la Banque centrale à Abéché, au Tchad, dont l’attribution se fait par appel d’offres, devrait finalement coûter moins cher que la dizaine de millions d’euros annoncés initialement. De même, de nombreux contrats d’assurances qui avaient été attribués sans faire jouer la concurrence ont été renégociés.

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Résultat : les économies réalisées ont permis d’améliorer les finances de la Beac, qui sont passées d’un déficit de 45 millions d’euros en 2009 à un bénéfice de 35 millions d’euros l’année dernière. « Aujourd’hui, nous pouvons distribuer des dividendes aux États membres », indique Lucas Abaga Nchama. Les dirigeants de la sous-région ont plutôt opté pour le renforcement des fonds propres de la banque, pour lui permettre de résister à d’éventuels chocs exogènes mais aussi de jouer pleinement son rôle dans le financement des économies de la sous-région. De fait, la Beac a porté de 6 % à 30 % sa participation au capital de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC).

Vague de renvois

Le recrutement d’une soixantaine de cadres pour renforcer les équipes et remplacer ceux emportés par la vague de licenciements qui a suivi le scandale du bureau de Paris a été confié au cabinet camerounais ADRH-Apave. « Nous lancerons prochainement un autre concours de recrutement d’auditeurs pour renforcer les équipes de la commission bancaire de la sous-région et lui permettre de multiplier son contrôle du système bancaire », indique Lucas Abaga Nchama. Car, à l’image de la Beac pendant de longues années, de nombreux établissements de la zone ont aussi bafoué des règles de gestion. Au total, 56 directeurs généraux se sont vu retirer leur agrément depuis début 2010, et au moins une banque a été placée sous redressement judiciaire.

Deux experts résidents du FMI ont été mobilisés au Cameroun

Peut-on pour autant affirmer que la Beac a surmonté la crise ? Une seule certitude, elle va mieux. Et les partenaires, notamment le FMI, qui avait suspendu son aide à certains pays de la zone et fait adopter un plan de redressement draconien, veillent au grain quotidiennement. Deux experts résidents du FMI ont été mobilisés au siège de la banque et un troisième devra venir prochainement en renfort. C’est d’ailleurs avec l’appui de l’institution de Bretton Woods que les nouveaux dirigeants de la Beac ont élaboré leur plan de modernisation, dénommé Beac-Horizon 2013.

Déjà en cours de mise en oeuvre, ce programme vise notamment à renforcer les systèmes d’information comptable, de gestion budgétaire, et à mettre en place un véritable audit interne. Un pouvoir accru au sein du conseil d’administration est ainsi accordé au comité d’audit créé. Aucune information, aussi confidentielle soit-elle, ne peut lui être dissimulée. Deux nouveaux départements de contrôle ont été créés : l’un est spécialement destiné au siège de la Beac, qu’il contrôle trois à quatre fois par an, et l’autre aura en charge les différents centres (directions nationales, représentations…) de la banque. Par ailleurs, le contrôle se fait désormais en deux temps : a priori, c’est-à-dire qu’au moment d’engager les dépenses, ce département doit vérifier que les textes sont respectés à tous les niveaux ; puis a posteriori, sur ce qui s’est réellement passé.

Le poids de la dette

Outre le contrôle, la prudence dans la gestion des réserves est aussi de rigueur. Si la Beac a négocié et obtenu de la banque française Société générale le remboursement de 15 millions d’euros sur les 23 millions qu’elle avait perdus dans des opérations spéculatives, elle maintient la suspension de sa salle des marchés. « Nous attendons d’avoir, avec l’appui de la Banque mondiale, une expertise beaucoup plus affirmée dans ce domaine », explique Lucas Abaga Nchama. Qui ajoute : « Même si, pour l’heure, 10 % de nos investissements sont constitués par des emprunts obligataires émis par deux pays européens en grande difficulté, l’Espagne et le Portugal, nous mettons l’accent sur les placements moins risqués. »

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